dimanche 29 septembre 2019

MUFLE, subst. masc.

A.− Extrémité, ordinairement dépourvue de poil, du museau de certains mammifères. Deux vaches montraient, à travers les trous du mur de l'étable, leurs mufles roses et leurs gros yeux brillants (BalzacChouans,1829, p. 260).Vers quatre heures, entrée en scène des hippopotames. Leur mufle énorme vient crever la surface de l'eau (GideRetour Tchad,1928, p. 870).
− P. méton. Élément décoratif imitant ou rappelant un mufle d'animal réel ou imaginaire. Leur cavalerie (...) était effrayante à voir, avec ses casques chargés de muffles d'animaux sauvages, et surmontés d'ailes d'oiseaux (MicheletHist. romaine,t. 2, 1831, p. 161).Le mufle de lion vomissait dans sa vasque une eau abondante et pure (GautierFracasse,1863, p. 492).
B.− P. anal.
1. Mufle-de-veau. Muflier des jardins. C'est cette poussière qui (...) entretient la végétation des mousses, des pariétaires, des mufles-de-veau, des giroflées jaunes, et quelquefois même celle des arbres (Bern. de St-P.Harm. nature,1814, p. 141).
2. Pop. Nez. C'est le mufle pointu de maître Nicolo (BarbierSatires,1865, p. 245).La femme Teston (...) le mufle dans son mouchoir, la carcasse cassée (HuysmansSœurs Vatard,1879, p. 42).
− P. méton., péj. L'ensemble du visage. Le maire, Saleur, un gros homme trapu, au mufle bovin (...) s'était brusquement enrichi (ZolaVérité,1902, p. 155):
1. Il y avait comme un pressentiment de vertige sur ce mufle de basse canaille couperosé par l'alcool et tordu au cabestan des concupiscences les plus ordurières. BloyFemme pauvre,1897, p. 10.
C.− Fam. Personnage vulgaire, grossier, indélicat. Traiter qqn de mufle; quel mufle! Vous êtes donc le dernier des couards comme vous êtes le dernier des mufles (CourtelineConv. Alceste,Margot, 1888, p. 79).Nous feignons d'oublier que chaque génération d'enfants porte en germe tous les goujats, toutes les crapules et tous les mufles de demain (MauriacBloc-notes,1958, p. 170):
2. Je veux que tout Paris le sache, que le monde entier, monsieur, sache que vous êtes un mufle. Un mufle doublé d'une canaille, une canaille doublée d'un fauve, un fauve doublé d'un niais... DuhamelNotaire Havre,1933, p. 227.
− Emploi adj. Or « l'esprit mufle » est né de l'apport du document humain que les Naturalistes prisaient au premier chef (CarcoNostalgie Paris,1941, p. 173):
3. ... elle avait depuis peu entendu dire par une femme sculpteur : « On peut s'attendre à tout de la part des hommes, ils sont si mufles », et frappée par la profondeur de cette maxime pessimiste, elle se l'était appropriée... ProustJ. filles en fleurs,1918, p. 467.
REM. 1.
Muflard, adj. et subst. masc.a) Adj. et subst. masc., hapax, fam. Mufle. Ce porcin, ce pignouf, ce muflard (GoncourtJournal,1885, p. 411).Il y a des académiciens pas mal muflards (GoncourtJournal,1885p. 507).b) Subst. masc. [Ds l'arg. de l'École navale] . ,,Professeur de gymnastique`` (Esn. 1966).
2.
Mufleman, subst. masc.,p. plaisant. Même sens. Son désir de se soustraire à une haïssable époque d'indignes muflemens (HuysmansÀ rebours,1884, p. 70).Visite du propriétaire et d'un mufleman qui voudrait louer notre appartement (BloyJournal,1900, p. 390).
3.
Muffler, verbe intrans.,pop. Renifler, flairer. C'est l'eau qui muffle dans les toitures de Méa (GionoBatailles ds mont.,1937, p. 314).
4.
Mufle-de-veau. V. supra B 1.
Prononc. et Orth. : [myfḽ]. Att. ds Ac. dep. 1694. ZolaAssommoir, 1877, p. 455 : mufe. CourtelineTrain 8 h 47, 1888, p. 127 et FranceÎle ping., 1908, p. 347 : muffe. Ramuz (Gde peur mont., 1926, p. 176), Michelet (loc. cit.), Vercel (Cap. Conan, 1934, p. 137), Goncourt (Journal, 1895, p. 863) : muffle. Étymol. et Hist. 1. 1540 « extrémité du museau de certains mammifères » (N. Herberay des EssartsPremier livre d'Amadis, éd. H. Vaganay, p. 322); 2. 1612 « visage laid, épais, aux traits lourds » (P. TroterelLes Corrivaux, II, 2 ds Anc. théâtre fr., t. 8, p. 255); 3. 1824 « lourdaud » (d'apr. Bl.-W.1-5); 1830 « badaud naïf » (d'apr. Esn.); 4. a) 1840 « homme mal élevé, sans délicatesse de manières ni de sentiments » (Ac. Compl.); b) 1866 emploi adj. (Delvau). Altération, par croisement avec museau*, de moufle3* « gros visage gras et rebondi ». Fréq. abs. littér. : 442. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 59, b) 611; xxes. : a) 1 251, b) 748. Bbg. Quem. DDL t. 6. − Renson (J.). Les Dénominations du visage en fr. Paris, 1962, pp. 463-464.

ESCARPER, ESCARPÉ

ESCARPER, verbe trans.

Rare. Entailler verticalement une montagne, un rocher. Escarper un rocher pour faire passer une route (Rob.).Au fond des vallons qu'ils ont creusés, et au pied des rochers qu'ils ont escarpés (Bern. de St-P.Harm. nat.,1814, p. 83).
− Emploi pronom. à sens passif. Devenir abrupt, difficile d'accès. Le chemin s'escarpe, les arbres deviennent rares (Chateaubr.Mém.,t. 1, 1848, p. 325).
♦ P. métaph. ou au fig. Devenir plus ardu :
Ce qui est plume pour les autres sera pour toi rocher. Les choses les plus simples s'escarperont. La vie se fera monstre autour de toi. HugoMisérables,t. 2, 1862, p. 120.
Rem. La docum. atteste escarpeur, subst. masc. Personne qui gravit une pente escarpée. Déjà M. de Saint-Amans, précédé d'un intrépide escarpeur, s'approchait du sommet (DusaulxVoy. Barège, t. 1, 1796, p. 225).
Prononc. et Orth. : [εskaʀpe]. Ds Ac. 1694-1878. Étymol. et Hist. 1. Av. 1543 trans. « tailler (un terrain, un rocher) de façon à le rendre difficile à franchir » (M. du BellayMém., 10 ds DG); 1740-55 pronom. (Saint-SimonMém., t. III, p. 230 ds Adam, p. 53 : l'endroit où les montagnes s'escarpent); 2. 1582 part. passé adj. (R. et A. d'AigneauxTrad. de Virgile, fo233 rods Gdf. Compl.). Dér. de escarpe1*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 2.

ESCARPÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.− Part. passé de escarper1*.
II.− Adjectif
A.− Qui est en pente abrupte. Rochers, montagnes escarpé(e)s. Au milieu des grands replis des monts escarpés (Maupass.Contes et nouv.,t. 1, Hist. corse, 1881, p. 44).Un chemin escarpé et glissant surplombait la mer (Saint-Exup.Citad.,1944, p. 683):
Bientôt elle se mit à gravir un coteau tellement escarpé, qu'elle était obligée continuellement, pour se soutenir, de s'accrocher d'une main à des branches d'arbres pendant que de l'autre elle tirait sa compagne après elle. MériméeColomba,1840, p. 157.
B.− Au fig. Qui est d'un abord difficile.
1. [En parlant d'une chose] Se reposer de temps en temps d'un travail trop escarpé (Lautréam.Chants Maldoror,1869, p. 254).
2. [En parlant d'une pers.] Il [Samuels'aperçut que cette femme était (...) plus escarpée qu'elle n'en avait l'air (Baudel.Fanfarlo,1847, p. 545).
Prononc. et Orth. : [εskaʀpe]. Ds Ac. dep. 1694. Fréq. abs. littér. : 353. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 046, b) 650; xxes. : a) 197, b) 140.

ESCARPER, verbe trans.

Vx et arg. Assassiner quelqu'un (pour le voler) :
− ... il n'y a plus qu'une chose à faire. − L'escarper! − C'est cela. C'étaient le mari et la femme qui tenaient conseil. Thénardier marcha à pas lents vers la table, ouvrit le tiroir et y prit le couteau. HugoMisér.,t. 1, 1862, p. 960.
Prononc. : [εskaʀpe]. Étymol. et Hist. 1800 « assassiner » (P. LeclairHist. brig. et assas. Orgères, p. 129). Prob. empr. au prov. escarpi « déchirer, mettre en pièces » (Mistral), déjà attesté en a. prov. (v. Rayn. et Lévy Prov.), propr. « écharper » (v. ce mot). Fréq. abs. littér. : 1. Bbg. Sain. Arg. 1972 [1907], p. 238.