dimanche 31 août 2025

ÉGRUGER, verbe trans.

 A.− Réduire en poudre, en menues parcelles à l'aide d'un égrugeoir. Quand votre viande aura trempé 2 heures (...) vous la ferez bien égoutter, vous la saupoudrerez encore de sel bien égrugé (AudotCuisin. campagne et ville,1896, p. 633).

− Au fig. Mais j'en roulerais six comme toi, filou! − Filou! t'a osé dire filou! tu veux donc que je t'égruge? (KockNi jamais,1835, p. 159).
♦ Emploi pronom. Il y avait tout avantage à les écouter [les vêpresà Saint-Sulpice, dont la puissante maîtrise, très bien dirigée, n'avait pas (...) ces voix en farine qui s'égrugent au moindre souffle (HuysmansEn route,t. 2, 1895, p. 225).
B.− P. ext. User, rogner par le frottement. L'omnibus aux gros yeux rouges Accourt, égrugeant le pavé (PommierParis,1866, p. 265).
C.− TECHNOL. [Le compl. désigne du chanvre et du lin] Détacher les graines, égrener.
Rem. 1. Attesté ds la plupart des dict. gén. 2. On rencontre ds la docum. les dérivés : a) Égrugeur, euse, adj. Qui égruge, réduit en poussière. Cylindre égrugeur (Lar. 20e). Emploi subst., au fig., p. plaisant.  Ah çà! depuis que je ne t'ai vu, tu es donc devenu un ravageur de femmes, un égrugeur de cœurs? (LabicheGros mot, 1860, 6, p. 321). b) Égrugeure, subst. fém. Parcelle d'un corps dur séparée par frottement ou par pression. C'est de l'encens mâle (...) quelle différence avec celui-ci que l'on consume à Notre-Dame! Il est terreux, brisé, rempli d'égrugeures (HuysmansCathédr., 1898, p. 428). Au fig., rare. Menus détails. Remarquez bien que cet amour des égrugeures, que cette passion des béatilles se retrouve dans toute son œuvre [de Suso] (Id.En route, t. 2, 1895, p. 277).
Prononc. et Orth. : [egʀyʒe], (j')égruge [egʀy:ʒ]. Ds Ac. 1694-1932.  Étymol. et Hist. 1. 1556 esgruger « réduire en poudre » (P. Saliat, trad. d'Hérodote ds Gdf. Compl., ici pronom.); 2. 1617 du chanvre (A. d'AubignéFaeneste, III, 15 ds Hug.). Dér. de gruger*; préf. é-*.  Fréq. abs. littér. : 2.  Bbg. Rétif (A.). Colette et le terroir. Vie Lang. 1973, p. 80.

MOROSIF, adj.

 Qui tarde, qui est lent à faire quelque chose.

− DR., vx. Débiteur morosif (DG).
− Dans la lang. littér. Et si le soleil de la victoire vous paraît morosif à se lever (...), songez à cette promenade qui vous cuirasse et vous vaccine contre le désespoir (Arnoux,Paris,1939, p. 325).
Prononc.: [mɔ ʀ οzif], fém. [-i:v].  Étymol. et Hist. 1599 [éd.] norm. (Coustumes du pays et duché de Normandie, fo92 ro). Dér. de morose2*; suff. -if*.

Qui est lent à agir, qui tarde à prendre une décision ou à exécuter un tâche par manque de zèle. 

ÉRÉTHISME, subst. masc.

 [Le déterminant, explicité ou resté implicite, désigne un organe, une fonction physiol.] Excitation anormale. Éréthisme génital; éréthisme des capillaires, des vaisseaux. Il est également exceptionnel de constater les phases successives d'éréthisme et d'affaiblissement cardiaque (Teissier dsNouv. Traité Méd.,fasc. 2, 1928, p. 277).

− En partic. [Le déterminant désigne le système nerveux ou une partie du système nerveux et, p. ext., une manifestation de l'activité mentale ou affective d'une pers.] Éréthisme cérébral. Ce changement d'habitudes réveillant l'éréthisme nerveux que le café et les émotions du procès portaient à son comble (ProustGuermantes 1,1920, p. 234).Alban ne se sentait plus vivre que dans l'éréthisme que donne le danger (Montherl.Songe,1922, p. 76).
SYNT. Éréthisme psychique; éréthisme intellectuel, religieux, sentimental; éréthisme de (la) cervelle; éréthisme de la pensée; (être dans un) état d'éréthisme.
Rem. Ac. 1932 enregistre le sens fig. ,,Passion à l'état d'exaltation maladive``.
Prononc. et Orth. : [eʀetism̥]. Ds Ac. 1762-1932. On rencontre les graph. érétisme (cf. NervalIlluminés, 1852, p. 246) et éréthysme (cf. Ferré ds Nouv. Traité Méd., fasc. 4, 1925, p. 103).  Étymol. et Hist. 1741 « irritation et tension violente des fibres » (Col de VillarsDict. fr.-lat. des t. de méd. et de chir. ds Quem. DDL t. 1) d'où au fig. 1777-83 (LinguetAnnales polit., civiles et littér., V, 464 ds Gohin, p. 364 : la fièvre qui consume deux des plus grandes nations de l'Europe, et l'éréthisme universel qui commence à tourmenter les autres); (Id.ibid., X, 67, ibid. : il tient l'Europe dans un éréthisme convulsif et permanent). Empr. au gr. ε ̓ ρ ε θ ι σ μ ο ́ ς « action d'irriter » d'où « irritation » et au fig. « provocation »; en partic. terme de méd. « un stimulant, un excitant ».  Fréq. abs. littér. : 31.  Bbg. Gohin 1903, p. 364. − Quem. DDL t. 1.

GARRULITÉ, subst. fèm.

 * Dans l'article "GARRULER,, verbe intrans."

[En parlant du geai] Crier. Le merle siffle, le geai garrule, la pie glapit, le corbeau croasse, le pigeon roucoule, la poule glousse (HugoRhin,1842, p. 189).
− Au fig. Bavarder, caqueter. (Dict. xixeet xxes.).
REM. 1.
Garrulant, -ante, part. prés. adj.Qui garrule. Ce sont (...) des oiseaux garrulants qui s'envolent troublés (BanvilleCariat.,1842, p. 40).
2.
Garrulement, subst. masc.Cri du geai. Les nombreux oiseaux que l'on rencontre ici n'ont que des sifflements, roucoulements, cris, garrulements, mais toujours très courts et stéréotypés (GideJournal,1938, p. 1302).
3.
Garrulité, subst. fém.a) [En parlant d'un oiseau] Cri. Rien n'était si charmant que cette solitude, Que ces milliers d'oiseaux et leur garrulité (A. PommierOcéanides,1839, p. 107).b) Au fig. [En parlant d'une pers.] Bavardage immodéré.On pourrait bien me reprocher encore que je laisse quelquefois trop courir ma plume, et que, quand je conte, je tombe un peu dans la garrulité (Brillat-Sav.Physiol. goût,1825, p. 23).
Prononc. : [gaʀyle], (il) garrule [gaʀyl].  Étymol. et Hist. 1.  Ca 1240 garruler « (d'oiseaux) gazouiller » (St François, 2199 ds T.-L.); 2.  xves. garruller (Pierre de HautefeuilleAmant Trespassé, CCXLIX ds Jardin de Plaisance et Fleur de Rhétorique, éd. E. Droz et A. Piaget). Empr. au b. lat.garulare « débiter des inepties », du lat. class. garrulus « qui parle beaucoup; qui gazouille (d'un oiseau) », dér. de garrire « babiller; gazouiller »; cf. DEAF g 3, 344.

NESCIENCE, subst. fém.

 Littér. Absence de savoir, de connaissance. Synon. ignorance, méconnaissance.[Des paysannes croyantessont dégrevées du poids affreux du doute (...) elles possèdent la nescience presque absolue du Mal(Huysmans,Cathédr.,1898, p.29).[Pascaldistingue entre Dieu dont nous ne connaissons ni l'existence ni la nature, le fini dont nous savons et l'existence et la nature, l'infini dont nous savons l'existence et ignorons la nature, opposant ainsi la nescience bilatérale à la science bilatérale en même temps qu'à la science dissymétrique (Jankél.,Je-ne-sais-quoi,1957, p.80).

REM. 
Nescient, -ente, adj.Qui ne sait pas, qui ignore. Le charme est l'innocente suggestion de l'agent, l'heureuse réceptivité du patient, (...) un enchanteur nescient qui est tout le contraire d'un hypnotiseur, un patient «sous le charme» (Jankél.,Je-ne-sais-quoi,1957p.100).
Prononc.: [nεsjɑ ̃:s], [ne-].  Étymol. et Hist. 1871 (Herbert Spencer, Les Premiers principes, trad. de E. Cazelles, p.113). Empr. à l'angl. nescience de même sens (1612 ds NED), lui-même empr. au b. lat. nescientia (ves.), dér. de nesciens, -entis, part. prés. de nescire «ne pas savoir», comp. de l'adv. de négation arch. ne (pour non) «ne ... pas» et de scire «savoir».  Fréq. abs. littér.: 22.

CLIN, subst. masc.

 1.

MAR. Agencement des bordages d'une embarcation se recouvrant l'un l'autre au lieu d'être joints bord à bord.Bordage, bordé, virure à clin, à clin simple, à double clin; canot à clin.

− P. ext. [En parlant d'une construction] Elle [la construction des chaletsest à clins, c'est-à-dire que les planches qui forment les murailles sont légèrement superposées les unes aux autres, comme les ardoises d'un toit (Du CampEn Hollande,1859, p. 147).
Prononc. : [klε ̃].  Étymol. et Hist. 1515-22 vesseaulx a clinc (Ant. de ConflansLes faits de la marine et navigaiges ds JAL1). Adaptation du néerl. klinkwerk « bordage à clin », klink- étant le déverbal de klinken « river, boulonner », Thomas Mél., p. 53; Valkh., p. 92.

2. 
-(D'ŒIL)
A.− Rare. Mouvement réflexe de la paupière qui s'abaisse et se relève rapidement. En ce clin d'œil involontaire toute la cruauté rentra dans son [d'Alipecœur (Sainte-BeuveVolupté,t. 1, 1834, p. 180):
1. Cependant, ajoute-t-elle [une vieille] avec une sorte de demi clin d'œil qui peut fort bien passer pour un tic, ...GreenJournal,1935, p. 27.
♦ Littér. Clin des paupières (Villiers de L'Isle-AdamContes cruels,Le Convive des dernières fêtes, 1883, p. 129).
− Loc. fig., usuel. En un clin d'œil, et rarement, d'un clin d'œil, dans un clin d'œil. Dans un laps de temps très court.L'angoisse fut si prompte qu'elle le mit debout en un clin d'œil (BernanosUn Mauvais rêve,1948, p. 979).
♦ Poétique :
2. De l'arabesque qui fermait les lieux d'ivresse, la ronce douce, squelette de ton pouce et tous ces signes précurseurs de l'incendie animal qui dévorera en un clin de retour de flamme ta grâce de la Sainte-Claire. ÉluardCapitale de la douleur,1926, p. 115.
B.− Signe d'intelligence consistant à exécuter volontairement un clignement d'œil. En public nous avions nos connivences : un clin d'œil suffisait (SartreLes Mots,1964, p. 182).
♦ Littér. Conversations en clins d'yeux (AragonLes Beaux quartiers,1936, p. 201).
− En partic. [Pour attirer qqn] Celle-là [cette dames'est fait suivre, à coups de clins d'yeux (RenardJournal,1898, p. 485).
♦ P. métaph. L'arbre, pour m'attirer, me fait des clins de feuilles. (RenardJournal,1899, p. 539).
Prononc. et Orth. : [klε ̃dœj]. Ds Ac. 1694-1932. Au plur. des clins d'œil ou des clins d'yeux. D'apr. Grev. 1964, § 293, ,,quand l'un des deux noms dépend de l'autre, auquel il se rattache ou non par une préposition, le nom dépendant reste invariable, l'autre varie``. Ainsi : des timbres-poste, des aides de camp, des chefs-d'œuvre, des arcs-en-ciel, des clins d'œil, etc. En note Grev. 1964 donne cependant des ex. de plur. : clins d'yeux et même clin d'yeux. Ac. ne fait aucune rem. à ce sujet. Besch. 1845 recommande clins d'œil. Ce plur. est seul admis ds Nouv. Lar. ill., DG, Lar. encyclop. et Quillet 1965. Le plur. clins d'yeux est accepté comme var. de clins d'œil ds Lar. 19e, Littré (,,si l'on considère les deux yeux``), Guérin 1892, Pt Lar. 1906, Lar. 20e, Lar. Lang. fr. et Rob.  Étymol. et Hist. 1. Mil. du xves. cling d'un œil « mouvement de l'œil qui cligne » (G. ChastellainExposition sur Vérité mal prise, p. 539, éd. Buchon); 2. ca 1530 cling d'œil « espace de temps » (Jean de l'Espine, dit SongecreuxPrénostication, 68 ds IGLF). Dér. régr. de cligner*.  Fréq. abs. littér. : 489. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 607, b) 801; xxes. : a) 664, b) 731.

3. Acronyme : Le comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN)


DICACITÉ, subst. fém.

 Rare. Penchant à dire des mots piquants. (Quasi-)synon. causticité.Un monsieur dont la dicacité s'illumine en un malin sourire (F. FénéonArt. mod.,1887ds Plowert 1888).

Rem. Noté comme inus. par Lar. 19eet Nouv. Lar. ill.; repris par Lar. 20esans mention particulière.
Prononc. Seule transcr. ds Littré : di-ka-si-té.  Étymol. et Hist. 1510-12 (Lemaire de BelgesIllustr., II, 25 ds Hug.). Empr. au lat. class.dicacitas, -atis de même sens.  Bbg. Gohin 1903, p. 259.

dimanche 3 août 2025

CHÈRE, subst. fém.

 A.− Vx. Visage, en tant qu'il exprime une certaine disposition à accueillir autrui; p. ext., manière de recevoir quelqu'un, accueil. Faire bonne chère à qqn. Lui faire bon accueil :

1. ... elle mena Jeanne au bain et aux étuves. Cela encore était dans les règles du savoir-vivre; on n'eût pas fait grande chère aux personnes qu'on recevait si on ne les avait fait baigner. Les princes donnaient l'exemple de cette politesse; quand le roi et la reine soupaient dans l'hôtel de quelqu'un de leurs serviteurs et officiers, on leur préparait de beaux bains richement ornés où ils se mettaient avant de manger. A. FranceVie de Jeanne d'Arc,1908, p. 89.
B.− P. méton.
1. Ce qui sert à traiter quelqu'un en guise d'accueil ou à se traiter soi-même comme si l'on était son propre hôte (notamment en matière de nourriture, sous le rapport de la quantité et de la qualité) :
2. Gaétan, un cuisinier napolitain, allume ses fourneaux sous ses ordres; ils vivent en complicité de fritures, de ragoûts (...) dans ce libertinage de bonne chère, pour lui, car il fait la solitude dans la maison, on ne reçoit pas. Chère de prélat, dîners de Gamache où il demeure sobre de vin, se réservant pour la mastication. La cuisine est son imagination, son rêve. E. et J. de GoncourtJournal,1861, p. 949.
3. − (...) il faut reconnaître que la chère y est parfaite, dit le duc, qui croyait en employant cette expression se montrer Ancien Régime. Je ne connais pas de maison où l'on mange mieux. ProustLe Côté de Guermantes 2,1921, p. 487.
− P. anal. ... bien maigre chère. Des ragots (...). De petits faux sans importance (ClemenceauVers la réparation,1899, p. 282).Grande chère d'amour (GionoEsquisse d'une mort d'Hélène,1943, p. 358).
SYNT. Chère délectable, délicate, exquise; fine chère; aimer la bonne chère; faire bonne/mauvaise/petite chère (à qqn).
− Expr. ,(vieilli). Chère lie Chère joyeuse (d'apr. l'a. fr. lié, dial. pic. lie « joyeux, euse »). Les histoires du camp (...) animées de rogomme et de chère-lie (ChateaubriandMémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 408).Faire car(r)ousse et chère lie (T. GautierLe Capitaine Fracasse,1863, p. 375)cf. aussi MaeterlinckLa Vie des abeilles, 1901, p. 247.
2. P. ext. Faire chère lie et plus fréquemment faire bonne chère, aimer la bonne chère. Mener joyeuse vie; en partic.,bien manger en joyeuse compagnie.
− Au fig. :
4. Edma et Bouilhet s'écrivent toujours; les lettres sont superbes de « pose » et de « pôhësie ». Lui, ça l'amuse comme tableau; mais, au fond, il aurait fort envie de faire avec elle un tronçon de chère-lie, comme dit maître Rabelais. FlaubertCorrespondance,1852, p. 69.
♦ Faire grande chère et beau feu/bonne chère et grand feu. (Se) régaler largement (cf. MériméeThéâtre de Clara Gazul, 1825, p. 59).
♦ Homme de bonne chère. Gourmet. Un homme de bonne chère et aimant le plaisir (LamennaisLes Paroles d'un croyant,1834, p. 202).
Prononc. et Orth. : [ʃ ε:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. chair, chaire, cheire, cher.  Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « tête, visage » (Roland, éd. J. Bédier, 3645) − xvies. (v. Renson t. 1, p. 109); 1155 « air du visage, mine » (WaceBrut, éd. I. Arnold, 668); ca 1190 faire mauvese chiere (BéroulTristan, éd. E. Muret, 546); début xiiies. faire bone chiere (Prise de Cordres, 1132 ds Renson, t. 1, p. 124), sens qualifiés de ,,vieilli`` dep. 1863 (Littré); d'où 2. a) 1165-70 chiere « accueil » (Chr. de TroyesErec et Enide, éd. M. Roques, 5540); b) apr. 1282 chiere « repas » (Adam de La HalleRobin et Marion,727 ds Renson t. 1, p. 122); 1339-48 faire bonne chiere « faire un bon repas » (Isopet I, XII, 52 ds Renson t. 1, p. 123). Du b. lat. cara « visage » peut-être attesté dès le vies. (d'apr. Renson t. 1, p. 105; ixe-xes. Antidotarium Bambergense ds Mittellat. W. s.v., 265, 55; xes. CGL t. 4, p. 587, 588; empr. au gr. κ α ́ ρ α « tête, visage ».
STAT. − Chère (subst. et adj. fém.). Fréq. abs. littér. : 8 743. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 16 260, b) 21 505; xxes. : a) 10 538, b) 5 445. Chère-lie. Fréq. abs. littér. : 3.
BBG. − Darm. Vie 1932, p. 50, 159. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 110. − Lefèvre (J.). Loc. fr. et gastr. Vie Lang. 1972, p. 580. − Wind 1928, p. 71, 161. − Renson (J.). Les Dénominations du visage en fr. et ds les autres lang. rom. Paris, 1962, 738 p., passim.

CHAIR, subst. fém.

 I.− [Du point de vue de la nature et de la destination physiques]

A.− [La chair en tant qu'élément de la nature sensible; l'emploi de la constr. chair à est impossible] Composante prédominante du corps humain ou animal, essentiellement constituée des tissus musculaire et conjonctif.
1. [En parlant de l'Homme ou de l'animal − surtout p. oppos. au tissu osseux et à sa dureté, parfois p. oppos. au tissu sanguin et à sa fluidité] Substance somatique de consistance relativement molle. Chair molle, lambeaux de chair (cf. anatomie ex. 5) :
1. Le philosophe qui analise, décompose, ressemble à un anatomiste qui dirait en voyant une belle femme : ce sont des os, des chairs, des muscles; mais l'homme qui la contemple et sur-tout à travers le prisme de la jeunesse, voit une figure charmante, et des formes qui le ravissent. Sénac de MeilhanL'Émigré,1797, p. 1835.
2. Il revoyait ses membres liés, (...), tout son corps forcé, (...), ruisselant de sang, brûlant d'un feu rose, d'un aveuglant et insoutenable éclat, la matière merveilleuse de toute sa chair giclant comme un fruit dans les griffes aiguës du destin. GracqAu château d'Argol,1938, p. 131.
− Expr. De chair et de sang ou de chair et d'os. De nature sensible. Moins majestueux que sur les images, enfin, un homme de chair et de sang (G. DuhamelChronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 170).Pas (...) des gens de chair et d'os mais des allégories (S. de BeauvoirMémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 269).En chair et en os. Sous une forme sensible, en personne. À bientôt somatiquement (Vulgo, en chair et en os) (VerlaineCorrespondance,t. 3, 1890, p. 179).
− P. anal. [En parlant d'une chose concr., gén. d'un élément naturel] :
3. Les monts, très hauts encore, au tournant de la route, n'offrent plus qu'une ossature, un squelette morne, gris, dont toute substance, toute chair est absente. Je veux dire la veine grasse, la couche fertile et l'humus, si longuement accumulés ailleurs. Mais on voit, noires ou jaunes, et épaisses, des coulées de terre glisser de pente en pente entre ces os, sans que rien puisse en suspendre la chute. PesquidouxLe Livre de raison,1925, p. 179.
− P. métaph. [En parlant d'une chose abstr.] :
4. ... j'ai lu les Chansons des Rues et des Bois (...). C'est de la chair vivante et ferme, qui bondit de la seule vigueur des muscles et palpite de la seule chaleur du sang. L. VeuillotLes Odeurs de Paris,1866, p. 222.
2. [En parlant de l'Homme ou de l'animal − surtout p. oppos. à la peau, élément superficiel de la chair] Cette substance considérée principalement dans sa réalité profonde.
a) [D'un point de vue interne] :
5. Les serres convulsées, crispées sur les reins et le poitrail de la fouine, traversèrent la peau, les chairs, broyant sous leur étreinte les poumons, le cœur, tous les viscères qui saignèrent, se triturèrent comme une pâte de chairvivante et fumante, ... PergaudDe Goupil à Margot,1910, p. 116.
SYNT. Chair vive (= profonde, sensible); enfoncer, entrer, pénétrer dans la chair; mettre les chairs à vif; tailler, trancher dans la chair vive. Spéc., anat. Chair carrée (de Sylvius). Muscle du pied, dit aussi ,,muscle accessoire du long fléchisseur commun des orteils`` (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970). Masse charnue particulière, placée au-dessus du court fléchisseur commun, et venant comme lui du calcanéum, mais allant s'insérer au tendon du long fléchisseur commun (...) ce qu'on nomme la chair carrée (CuvierLeçons d'anat. comp., t. 1, 1805, p. 393). Tann. Côté chair ou absol. la chair. Côté opposé à celui du poil. Peau brute (...) face externe (...) appelée le côté poil ou le côté fleur (...) face interne appelée côté chair (J. Bérard, J. GobilliardCuirs et peaux, 1947, p. 19).
− Expr. En pleine chair. Profondément. (P. métaph.). Roman taillé en pleine chair vive (RenardJournal,1893, p. 190).Entre cuir et chair. En dessous de la peau. Frémissements nerveux (...) propagés entre cuir et chair (R. Martin du GardLes Thibault,La Consultation, 1928, p. 1117).(Au fig.). Pester/rire entre cuir et chair (= sous cape). Ce rire entre cuir et chair qui décèle la certitude (HugoLes Misérables,t. 1, 1862, p. 762).
b) [D'un point de vue externe, quant au volume surtout] Chair épanouie, plantureuse :
6. Rose est une merveille de joie simple. La chair de Rose, je la retrouve, je ne la quitterai jamais. Si vous la voyiez, si ample, si drue, si pleine, cette chair qui affleure de toutes parts au monde par cette peau si douce, si vivante, si bien arrosée et aérée. Drieu La RochelleRêveuse bourgeoisie,1939, p. 252.
− Expr. Être (bien) en chair. Avoir des formes pleines. Une grosse face bien en chair (E. et J. de GoncourtJournal,1856, p. 249).
Rem. On rencontre ds la docum. qq. var. de cette expr. : fort(e) en chair (MaupassantContes et nouvelles, t. 1, Une Partie de campagne, 1881, p. 373), mal en chair (ZolaLa Terre, 1887, p. 324).
− P. anal. Là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras (GionoColline,1929, p. 9).
− P. méton., péj. Amas/masse (etc.) de chair. Personne aux formes très lourdes (et, parfois, à l'esprit pesant). Le dos d'une largeur monstrueuse, le ventre comme un tonneau, (...) un gigantesque amas de chair, (...) un de ces pots-à-tabac, à face humaine (R. RollandJean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 575).
3. [En parlant gén. de l'Homme] Cette substance considérée principalement dans sa réalité superficielle. (Quasi-)synon. peau.
a) [Du point de vue du grain, de la chaleur, etc.] Chair chaude, froide, lisse. Une fleur comme cette Renée, une si étrange fleur de volupté, à la chair de soie (ZolaLa Curée,1872, p. 475).
− Expr. Chair de poule ou réaction ansérine*. Aspect hérissé que prend l'épiderme par érection des follicules pileux sous l'effet du froid, de la peur. Avoir / donner / faire venir la chair de poule :
7. Je vis la femme frissonnant de la tête aux pieds, la peau blanche et satinée de son cou devint rude : elle avait,suivant un terme familier la chair de poule. BalzacGobseck,1830, p. 395.
− P. anal. Taupinières, la chair de poule des prés (RenardJournal,1896, p. 339).La nuit (...) à chair très noire, à grains serrés (MorandL'Homme pressé,1941, p. 51).
Rem. Un auteur substitue chair à peau dans l'expr. à fleur de peau, ce qui prouve l'interchangeabilité des deux mots dans cette acceptation. Le frisson à fleur de chair que donnent les émotions trop violentes (EstauniéUn Simple, 1891, p. 137).
b) [Du point de vue de la couleur, de l'éclat] Chair meurtrie, rose, saine. Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants (BaudelaireLes Fleurs du mal,Correspondances, Paris, Gallimard, 1964[1857-61], p. 11):
8. Du nu des bras, du nu des nuques, du nu des épaules, du nu des seins jaillissant des corsages, du nu des dos qui faisaient deviner les reins, de tout ce nu s'irradiaient des rayons de chair blanche, de chair rosée, de chairrousse, de chair brune, et de toute cette peau à l'air, une buée parfumée s'élevait. J. PéladanLe Vice suprême,1884, p. 143.
− Expr., vx. Avoir la chair fraîche. Avoir le teint frais. Fardée, mouchetée, musquée, la chair fraîche encore sous tant d'apprêts (A. FranceLes Dieux ont soif,1912, p. 86).
− Spéc., ARTS PLAST. (Aspect des) diverses parties du corps humain représentées nues (sous le rapport de la couleur ou même du modelé) :
9. Rubens, la CHUTE DES RÉPROUVÉS, une avalanche, un écroulement de corps qui s'enlacent, se débattent, roulent et se précipitent; toute la gamme de la chair étalée et irruante, depuis les chairs transpercées de bleu jusqu'aux chairs chauffées de bitume, depuis les chairs reflétées de la gloire de Dieu jusqu'aux chairsrougeoyantes des feux de l'enfer. Jamais un pinceau n'a plus furieusement roulé et déroulé des monceaux de chair. (...). Et au milieu de cela, des gorges aux tons les plus fins, des dessous de bras où la lumière s'endort dans des tons bleuâtres, des corps rayés par la lumière comme des bronzes. C'est le soleil tombé en enfer, c'est la palette éblouissante de la chair... E. et J. de GoncourtJournal,1860, p. 809.
− P. anal. Le ciel (...) du bleu rose, du bleu lilas, du bleu jaune, une chair vivante, une vaste nudité immaculée (ZolaLa Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1324).La chair translucide et verte de la mer (Van der MeerschL'Empreinte du dieu,1936, p. 136).
− Couleur (de) chair ou absol. chair (invar.). Couleur rouge pâle, beige rosé, blanc cassé (d'après la race humaine dite blanche). Des bas de soie (...) de toutes nuances, les noirs à jour, les rouges à coins brodés, les chair (sic) dont le grain satiné avait la douceur d'une peau de blonde (ZolaAu Bonheur des dames,1883, p. 391).En sa robe de satin chair (...) comme dans une coquille, entre ces valves glacées de nacre rose (ProustLe Côté de Guermantes 1,1920, p. 36).
Rem. Chair donne lieu au mot composé rose-chair, nom de couleur invar.  Ces couleurs de pivoines inconnues (...) une certaine rose-chair (E. et J. de GoncourtJournal, 1889, p. 973). Vieilles tuiles rose-chair (E. TrioletLe Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, p. 13).
B.− [La chair en tant qu'obj. de consommation; l'emploi de la constr. chair à est possible]
1. [La chair en tant qu'élément nutritif] :
10. ... quel sentiment l'avait porté à manger de la chair humaine? La religion? Non, la faim. (...) surtout cette nécessité pour le carnivore de refaire sa chair et son sang par l'azote contenu dans les matières animales. C'est bien de fournir au travail des poumons au moyen des plantes tubéreuses et féculentes. Mais qui veut être fort et actif doit absorber ces aliments plastiques qui réparent les muscles. Tant que les Maoris ne seront pas membres de la Société des Légumistes, ils mangeront de la viande, et, pour viande, de la chair humaine. (...) encore faudra-t-il des années pour que les Maoris se déshabituent de la chair zélandaise qu'ils préfèrent à toute autre, car les fils aimeront longtemps ce que leurs pères ont aimé. À les en croire, cette chair a le goût de la viande de porc, mais avec plus de fumet. Quant à la chair blanche, ils en sont moins friands, parce que les blancs mêlent du sel à leurs aliments, ... VerneLes Enfants du capitaine Grant,t. 3, 1868, pp. 62-63.
11. Et voici que j'ai vu, par ces rouges éclats, ... ... jetant leurs odeurs brutes et sensuelles, Les viandes qui fumaient : chair de porc à foison, Chair de bœuf, jars et paons rôtis, et venaison; Chair d'agneau, moutons gras qui grésillaient encore, Et bons coqs que leur crête écarlate décore. Leconte de LislePoèmes barbares,Les Paraboles de dom Guy, 1878, p. 341.
SYNT. Chair bouillie, crue, cuite, dure, rôtie, tendre. Spéc. Chair blanche. Chair peu colorée de veau, volaille, etc. Chair noire. Chair foncée du gibier. Chair rouge. Chair de bœuf, cheval, mouton. Chairs rouges, noires, et qu'on est convenu d'appeler chairs faites (Brillat-SavarinPhysiol. du goût, 1825, p. 67). Chair à pâté. Chair de porc ou de gibier coupée en menus morceaux. (P. compar.) Hacher menu comme chair à pâté. Toutes ses illusions mutilées, toutes ses espérances hachées menu comme chair à pâté (SandeauSacs et parchemins, 1851, p. 30). Chair à saucisse ou chair.Chair de porc hachée menu. Farces de chair à saucisse (BourgesLe Crépuscule des dieux, 1884, p. 113); morceau, odeur de chair; dévorer, se nourrir de (la) chair.
Rem. 1. Selon Besch. 1845, Lar. 19e, Littré et Bailly (R.) 1946, la chair se différencie de la viande en ce qu'elle n'a subi aucune préparation. Mais dans l'usage cour., les mots chair et viande semblent employés indifféremment l'un pour l'autre. Chair paraît pourtant s'employer de préférence à viande quand il s'agit de mets plus fins (volailles notamment). 2. Pour l'aspect relig. très gén. de la question, v. II B 1.
− P. anal. Phrases [ayantdu jus et de la chair (FlaubertSouvenirs,1841, p. 70).
♦ Spéc., RELIG. CATH. [La chair du Christ, sous forme d'aliment eucharistique et/ou de nourriture spirituelle] Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle (St Jean, VI, 54):
12. ... Jésus est là, non point en image ou en symbole, mais dans son corps et dans sa chair, le Maître est là, réellement présent, qui les a reconnus et qu'ils ont reconnu. Il est là, dans l'hostie vivante, (...). C'est le Dieu vivant que Maxence adorera, c'est le Dieu de sa délivrance et de son amour, c'est le Dieu de son introduction dans la vie. Maxence a le désir d'une nourriture substantielle. C'est ce pain qu'il demande. PsichariLe Voyage du centurion,1914, p. 229.
2. P. méton., avec une valeur iron., péj.
a) [P. allus. au mythe de l'ogre qui dévore de la chair humaine, de la chair fraîche] Chair fraîche. Personne qui excite les appétits sensuels. La cabotine cynique (...) voulant se payer un peu de chair fraîche, de la Tour de Nesle en imitation, demandant des hommes (...) ogresse faisant le trottoir (E. et J. de GoncourtJournal,1862, p. 1043).Renouvellement continuel de chair fraîche (...) la meilleure preuve qu'aucune des femmes que vous avez connues ne vous a satisfait parfaitement (MontherlantLe Démon du bien,1937, p. 1336).Sentir la chair fraîche. Être sensible à la présence physique de telle personne ou être attiré par quelque attrait. Voyant que la chair fraîche qu'il était venu sentir n'était pas découpée (BalzacCésar Birotteau,1837, p. 290).Marchand/ vendeur, etc., de chair fraîche/humaine. Proxénète, marchand d'esclaves. Suivre ces marchands de chair humaine dans leurs dangereuses expéditions (Du CampLe Nil,1854, p. 132).Trafiquants de chair fraîche qui logeaient (...) derrière une lanterne rouge, des jardins de plaisir (MorandLondres,1933, p. 107).
b) [Sans doute sur le modèle de chair à pâté/à saucisse] Chair à canon. Simple soldat que l'on expose sans scrupules à la tuerie guerrière, à la boucherie. Appeler les conscrits la matière première et la chair à canon (ChateaubriandMélanges pol.,1816-24, p. 22).
Rem. La constr. chair à donne lieu à des assoc. syntagm. très variées et expr. La foule dont ils vivent, chair à canon, chair à goupillon, chair à sentence, ou chair à dividende (ClemenceauL'Iniquité, 1899, p. 86).
3. P. ext. Partie comestible de certains végétaux (fruits, champignons, etc.) dont la contexture rappelle celle de la substance animale. Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures (RimbaudPoésies,Le Bateau ivre, 1871, p. 128).Reines-claudes dont l'épiderme rosé, déjà fendu par la maturité, laissait voir les chairs juteuses et dorées(TheurietLe Mariage de Gérard,1875, p. 60).
II.− [Du point de vue de la nature et de la destination spirituelle et/ou morale]
A.− [La chair en tant que manifestation de l'être en gén.]
1. [La chair en tant que support de la vie humaine]
a) [Dans sa nature propre, opposée à celle de l'âme, de l'esprit, du cœur] :
13. Il y a deux éléments dans la nature physique de l'homme comme dans sa nature morale. Le premier est un élément de stabilité et de permanence : on le nomme terre, matière, chairsubstance, forme (au sens concret). Et il y a un autre élément fluide, subtil, mouvant, intelligent, pénétrant, dynamique, et on le nomme suivant les différentes figures qu'il prend, eau, sang, souffle, esprit. ClaudelUn Poète regarde la Croix,1938, p. 266.
14. Une exposition de peinture. Le corps humain dans toute sa gloire, le corps humain revêtu de sa nudité comme d'un vêtement royal, l'âme revêtue de ce vêtement royal que Dieu lui a fait et qui est la chair. Ah, que nous sommes sots avec nos idées malsaines sur la pudeur! GreenJournal,1950, p. 354.
− P. anal. :
15. Qu'on regarde l'église ou le bourg vu du parvis, il n'est pas une pierre qui n'ait gardé son âme et sa chair, je veux dire l'esprit de son époque et la pure qualité de la matière, à quoi les siècles ont ajouté une patine qui arrondit les angles et assouplit les ornements. T'SerstevensL'Itinéraire espagnol,1933, p. 306.
b) [Dans son aspect temp.]
− [En tant qu'élément mortel] Chair morte, vivante :
16. Un furieux désir de vivre, de tout revoir, de tout recommencer, de tout refaire, la souleva subitement. C'était une révolte en face de la mort; l'impossibilité d'admettre qu'elle ne verrait pas le soir de ce matin qui naissait; l'impossibilité de comprendre comment cette beauté, ce corps, cette pensée active, cette vie luxuriante de sa chair allaient, en pleine ardeur, cesser d'être, et pourrir. LouÿsAphrodite,1896, p. 220.
− [En tant que support ou facteur de la survie de la race ou de l'individu] :
17. Je crois à la vie qui élimine sans cesse les corps nuisibles, qui refait de la chair pour boucher les blessures, qui marche quand même à la santé, au renouvellement continu, parmi les impuretés et la mort. ZolaLe Docteur Pascal,1893, p. 98.
♦ Expr. [P. réf. plus ou moins nette aux textes bibliques]
P. allus. à La Genèse, II, 21-24 ,,Alors Yahvé Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Puis, de la côte qu'il avait tirée de l'homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l'amena à l'homme. Alors celui-ci s'écria : « À ce coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair! Celle-ci sera appelée femme car elle fut tirée de l'homme, celle-ci! » C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair.``  -Chair de ma chair ou une seule/même chair. Être aimé (notamment femme par rapport à homme) ou couple en union étroite (notamment à travers sa descendance) :
18. L'épouse du chrétien n'est pas une simple mortelle; c'est un être extraordinaire, mystérieux, angélique; c'est la chair de la chair, le sang du sang de son époux. En s'unissant à elle, l'homme ne fait que reprendre une partie de sa substance. Son âme, ainsi que son corps, sont incomplets sans la femme : il a la force; elle a la beauté; ...ChateaubriandGénie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 78.
Rem. Ce genre d'expr. s'applique aussi, p. ext., dans la lang. littér., à une communauté dont les membres vivent en harmonie. La famille (...) rien qu'une volupté dans une seule chair (RomainsLa Vie unanime, 1908, p. 222). Une chair unique capable de se réjouir ensemble aux jours de fête (...) une ville (Saint-ExupéryCitadelle, 1944, p. 609).
Ancêtres/parents/père, etc., selon la chair (= naturels). D'un côté, ses ancêtres selon l'esprit, de l'autre, les rois de Juda, ses ancêtres selon la chair (ProustÀ l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 842).
Chair de ma/sa... chair. Enfant, parenté. La réalité douloureuse de son enfant, cette chair vivante de sa chair (ZolaL'Œuvre,1886, p. 289).Cf. aussi Les jardins, dont on peut dire sans blasphème qu'ils sont aussi la chair de notre chair(MauriacJournal au temps de l'occupation, 1944, p. 309).
Résurrection de la chair. ,,Retour des morts à la vie, à la fin des temps, par la réunion de l'âme immortelle à un corps (...) transfiguré, rendu spirituel par participation à la gloire du Christ`` (Foi t. 1 1968) :
19. Dans le Credo, nous affirmons notre foi en la résurrection de la chairLa résurrection de la chair... Qui de nous y arrête sa pensée? Nous devrions tressaillir de joie, si cette foi était en nous vivante. (...), lorsque Job, dont le corps est consumé, qui n'a plus que la peau sur les os et les lèvres autour de ses dents, s'écrie : « Je sais que mon Rédempteur est vivant et qu'au dernier jour je ressusciterai de la terre, et que de nouveau je serai environné de ma peau, et que dans ma chair, je verrai mon Dieu... », je connais des hommes que cette certitude inconcevable ne trouble pas, mais qu'elle emplit de lumière : ... MauriacJournal 1,1934, pp. 27-28.
2. P. ext.
a) La nature humaine, la condition terrestre :
20. ... son œuvre [de Baudelaire], c'est la lutte éternelle entre la chair et l'esprit. Baudelaire, Verlaine, Sainte-Beuve ont exposé qu'ils participaient de l'humanité, du péché et qu'ils savaient ce qu'ils devraient être. (...). Baudelaire n'a jamais, à la Leconte de Lisle, à la France (Les noces corinthiennes), glorifié la nature. Il a voulu s'échapper à soi-même, sortir de soi, se hausser. (...). C'est là l'explication du trouble, de l'inquiétude dont il est rempli : il entrevoit la vraie vie; il lutte contre la chair et les pensées qui viennent de la chair. Sa vie est une crise.BarrèsMes cahiers,t. 12, 1919, p. 8.
− Expr. [P. réf. plus ou moins nette aux textes bibliques]
♦ La chair et le sang. L'homme dans sa condition naturelle. Glorifi[erla chair et le sang; cette chair et ce sang mêmes qu'un Dieu a désiré revêtir (ClaudelLe Soulier de satin,version pour la scène, 1944, 2ejournée, 5, p. 735).
♦ Vivre dans la chair. Vivre ici-bas.
− P. allus. aux textes néotestamentaires. Et le Verbe s'est fait chair et il a demeuré parmi nous (St Jean, I, 14).Le Fils de Dieu a assumé et sauvé la nature humaine :
21. Je songe à ces imaginations chrétiennes selon lesquelles le plus grand dessein de leur dieu (et ce fut aussi sa plus grande adresse) fut de se faire homme un jour. Le Verbe se fit chair, et Dieu se chargea des chaînes et des misères des hommes, se rabaissa à leur mesure pour les mieux connaître et pour les mieux « sauver ». Comme si ce Dieu avait eu dégoût de sa pureté même et de sa liberté. Comme si, tout Dieu qu'il était, il reconnaissait ses limites et qu'il ne lui servait de rien d'avoir créé la douleur des hommes s'il ne pleurait leurs larmes. GuéhennoJournal d'une« Révolution », 1938, p. 147.
♦ P. anal. :
22. Mais ces légendes, ces images qui étaient pour Olivier de belles fables, des sortes de paraboles, en lui se faisaient chairdevenaient réalité. Le conte de fées s'animait, palpitait autour de lui. Et la vision qu'encadrait la fenêtre de la chambre, (...) le ciel pâlissant où mourait la lumière, − tout ce monde extérieur s'imprima brusquement en lui, comme un baiser. R. RollandJean-Christophe,Le Buisson ardent, 1911, p. 1308.
b) En partic. La nature humaine dans ses limites, ses imperfections. Les faiblesses de la chair :
23. ... c'était aussi le plus humain des Christ, un Christ à la chair triste et faible, abandonné par le Père qui n'était intervenu que lorsque aucune douleur nouvelle n'était possible, le Christ assisté seulement de sa Mère qu'il avait dû, ainsi que tous ceux que l'on torture, appeler dans des cris d'enfant, de sa Mère, impuissante alors et inutile. Par une dernière humilité sans doute, il avait supporté que la Passion ne dépassât point l'envergure permise aux sens; ... HuysmansLà-bas,t. 1, 1891, p. 17.
SYNT. Pauvre chair; cœur/yeux, etc. de chair : Yeux de chair (...) œil intérieur (...) qui rend d'autres services que de compter les marches des escaliers (CocteauLa Machine infernale, 1934, p. 40); créature/homme, etc. de chair : L'orgueil des états et des rois de chair obstinés (...) à secouer la tutelle du pouvoir spirituel (...) pour aboutir fatalement (car les États ne tiennent pas par la matière, mais par l'esprit) aux crises révolutionnaires (MaritainPrimauté du spirituel, 1927, p. 38).
− Expr. [P. réf. plus ou moins nette aux textes bibliques] Être de chair/de chair et d'os. Avoir des forces limitées. Vivre,etc. selon la chair (= selon le siècle, les intérêts du monde). Goût des vérités éternelles perdu (...) dans une vie frivole, mondaine et toute selon la chair (Maine de BiranJournal,1824, p. 277).
− P. allus. aux textes néotestamentaires
♦ Vous, vous jugez selon la chair; moi je ne juge personne (St Jean, VIII, 15) (= selon votre entendement humain naturellement borné) :
24. Tout ce que vous me reprochez est juste, mais d'un certain point de vue (...) celui des gens mariés. Les gens mariés ont été obligés de « réaliser », de prendre terre. Les gens mariés jugent selon la chair. (...). Pour les gens mariés, je ne suis plus sans doute qu'un garçon paresseux qui se lève tard et ne travaille pas beaucoup. Alain-FournierCorrespondance[avec J. Rivière], 1910, p. 195.
♦ L'esprit est prompt, mais la chair est faible (St Matthieu, XXVI, 41):
25. ... je suis le fils de la femme; ce sont ces médecins insensibles qui sont les hommes forts, pas moi. L'esprit est fort, et la chair est faible. Et pourtant, hier encore, est-ce que la chair elle-même n'était pas implacable? Moi aussi j'ai tué des êtres pareils à celui-ci, et ma chair n'a pas tremblé près de leurs cadavres. MontherlantLe Songe,1922, p. 139.
− Spéc. L'Homme sans le secours de la Grâce divine :
26. ... M. Olier, comme tous ceux de son école, (...), se fait de la nature déchue l'idée la plus noire. Mais cette noirceur n'assombrit aucunement leur vie intérieure et la réjouit plutôt. (...)? Ce débris infect et sordide, ce vain et intolérable fardeau, le vieil Adam, l'« homme naturel », la « chair de péché », plus nous en serons dégoûtés et plus aussi nous aurons de joie à nous en dépouiller pour faire place au nouvel Adam, à l'esprit, à la loi de grâce.BremondHist. littér. du sentiment relig. en France, t. 4, 1920, p. 33.
c) Au sing. coll. Toute chair. L'ensemble des êtres vivants, la créature (p. oppos. à Dieu) :
27. Ne formez qu'un soupir. Qu'une plainte éternelle accuse la nature, Et que la douleur donne à toute créatureUne voix pour gémir. Du jour où la nature, au néant arrachée, S'échappa de tes mains comme une œuvre ébauchée, Qu'as-tu vu cependant? Aux désordres du mal la matière asservie, Toute chair gémissant, hélas! Et toute vie Jalouse du néant. LamartineMéditations,Le Désespoir, 1820, p. 98.
B.− [La chair en tant qu'obj. de valorisation mor., relig.] Gén. péj.
1. [En parlant de certains animaux dont la consommation est frappée d'interdit] Spéc., RELIG. CATHOL., vx. Partie comestible des animaux autres que les animaux aquatiques (le poisson notamment) dont l'Église interdisait la consommation les jours d'abstinence, le vendredi en particulier. S'abst[enirde manger de la chair certains jours, et se croi[repar-là dispensés de toutes les vertus (DupuisAbr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 550).
− P. allus. aux commandements de l'Église. Vendredi chair ne mangeras Ni jours défendus mêmement (Anc. Catéchismes des diocèses de France). Ce commandement de l'Église : « Vendredi chair ne mangeras, ni autre chose pareillement » (MurgerScènes de la vie de bohème,1851, p. 46).
Rem. L'oppos. entre chair d'animaux non aquatiques et chair de poisson est très ancienne. Elle correspond sans doute à la distinction entre animaux à sang chaud et animaux à sang froid. Primitivement, la prohibition portait essentiellement sur le sang, assimilé à la vie : ,,Vous ne mangerez du sang d'aucune chair car la vie de toute chair, c'est son sang, et quiconque en mangera sera supprimé`` (Le Lévitique, XVII, 14).
− P. métaph. Ni chair ni poisson. Sans caractère déterminé, d'une nature ambivalente. Ni chair ni poisson : un savant ou demi-savant qui (...) rabâche de tout, et qui ne sait pas une seule chose à fond (Sainte-BeuvePensées et maximes,1869, p. 99).
2. [En parlant de l'homme]
a) Vieilli. Les sens. Mortifier sa chair :
28. Les ennemis de l'esprit sont d'opinion que la partie saine, bonne, innocente, inoffensive de l'homme, c'est la chair. La chair n'a d'elle-même aucun mauvais instinct, aucune tendance perverse. Se nourrir, se reproduire, se reposer, ce sont là ses fonctions : Dieu les lui a données et les lui rappelle sans cesse par les appétits. (...). Ce qui la corrompt, c'est l'esprit. (...). L'esprit est le père de la sottise, de l'hypocrisie, des exagérations dans tous les sens, et partant, des abus et des excès que l'on a coutume de reprocher à la chair, excellente personne, facile à entraîner à cause de son innocence même; et c'est pourquoi les hommes vraiment religieux et vraiment éclairés doivent défendre cette pauvre enfant en bannissant vivement les séductions de l'esprit. GobineauNouvelles asiatiques,La Danseuse de Shamakha, 1876, pp. 16-17.
29. Nul plus que moi n'est opposé à ceux qui ont prêché la réhabilitation de la chair, et je crois pourtant que le christianisme a eu tort de prêcher la lutte, la révolte des sens, la mortification. Cela a pu être bon pour l'éducation de l'humanité, mais il y a quelque chose de plus parfait encore. C'est qu'on ne pense plus à la chair, c'est qu'on vive si énergiquement de la vie de l'esprit que ces tentations des hommes grossiers n'aient plus de sens. (...). Aux yeux d'hommes grossiers, un homme qui jeûne, qui se flagelle, qui est chaste, qui passe sa vie sur une colonne, est l'idéal de la vertu. (...). Mais pour nous, un tel homme n'est pas vertueux : car, ces jouissances de la bouche et des sens n'étant rien pour nous, nous ne trouvons pas qu'il ait de mérite à s'en priver. RenanL'Avenir de la sc.,1890, p. 403.
b) L'instinct sexuel, l'amour physique. La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres (MallarméPoésies, Brise marine, 1898, p. 38):
30. ... la femme, devenue la grande tentatrice, le piège du diable, a inspiré des désirs et des adorations d'autant plus ardentes et a tenu une bien autre place dans le monde. La malédiction jetée à la chair a dramatisé l'amour. Il y a eu des passions nouvelles : la haine paradoxale de la nature, l'amour de Dieu, la foi, la contrition. À côté de la débauche exaspérée par la terreur même de l'enfer, il y a eu la pureté, la chasteté chevaleresques; ... LemaitreLes Contemporains,1885, p. 159.
31. L'amour, dans Phèdre exaspéré, n'est point du tout celui qui est si tendre en Bérénice. Seule, ici, la chair règne. Cette voix souveraine appelle impérieusement la possession du corps aimé et ne vise qu'un but : l'extrême accord des jouissances harmoniques. Les images les plus intenses sont alors maîtresses d'une vie, déchirent ses jours et ses nuits, ses devoirs et ses mensonges. La puissance de l'ardeur voluptueuse renaissante sans cesse et non assouvie agit à l'égal d'une lésion. ValéryVariété V,1944, p. 186.
32. Bien qu'ayant été, sans aucun doute, une jeune mariée heureuse, à peine distinguait-elle le vice de la sexualité : elle associa toujours étroitement l'idée de chair à celle de péché. Comme l'usage l'obligeait à excuser chez les hommes certaines incartades, elle concentra sur les femmes sa sévérité; entre les « honnêtes femmes » et les « noceuses », elle ne concevait guère d'intermédiaire. Les questions « physiques » lui répugnaient tant que jamais elle ne les aborda avec moi; ... S. de BeauvoirMémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 41.
SYNT. L'acte de chair : La mortelle dépression nerveuse qu'on éprouve après avoir consommé l'acte de chair avec quelqu'un qui ne vous fait pas envie (MontherlantLes Jeunes filles, 1936, p. 1013); l'aiguillon de la chair : Les impulsions du vice (...) l'aiguillon de la chair (MontalembertHist. de Ste Élisabeth de Hongrie, 1836, p. 283); le démon/le péché de la chair : Pleins de vertus familiales (...) ceux pour qui le péché de la chair est le plus honteux de tous (R. RollandJean-Christophe, L'Adolescent, 1905, p. 337); les choses de la chair :
33. Ne mêle pas l'esprit aux choses de la chair. Sache, aux moments secrets où le corps est en fête, Redescendre à l'obscur délire de la bête. Tumultueux et sourd et fort comme la mer, Laisse gronder tes sens en orgues de tempête, Et que sous l'onde en feu de tes baisers halète L'orgueilleuse impudeur de la beauté parfaite.Ch. GuérinLe Cœur solitaire,Mélancolies à Viollis, 1898, p. 100.
− P. allus. aux commandements de l'Église. L'œuvre de chair ne désireras / qu'en mariage seulement (Anc. Catéchismes des diocèses de France;cf. aussi MaupassantContes et nouvelles, t. 2, La Confession de Théodule Sabot, 1883, p. 43).
c) En partic. Ce qui, dans le corps humain ou dans le physique de tel individu, est spécialement enclin ou propice au plaisir amoureux. Chair nue, chair de femme :
34. Et le corps masculin? Germaine s'interroge. Exerce-t-il, sur elle du moins, un pouvoir analogue? Elle en aime la fermeté des chairs, les lignes décidées. Dans l'étreinte, il lui est agréable de sentir la vigueur des muscles qui la pressent. Mais tout cela reste une impression d'ensemble, et assez paisible. Les diverses régions de ce corpsne lui semblent ni belles ni émouvantes par elles-mêmes. Il n'y a guère dans la conformation virile qu'un détail qui la captive singulièrement, ... RomainsLes Hommes de bonne volonté,Le 6 octobre, 1932, p. 120.
35. ... la victoire alors a le corps de nos femmes sous la pluie de l'amour. Voici la chair heureuse, luisante et chaude, grappe de septembre où le frelon grésille. Sur l'aire du ventre s'abattent les moissons de la vigne. Les vendanges flambent au sommet des seins ivres. Ô mon amour, le désir crève comme un fruit mûr, la gloire des corps ruisselle enfin. CamusL'État de siège,1948, p. 285.
Rem. gén. Chair comme charnel/le, draine de nombreuses réminiscences bibliques, notamment dans son accept. Il et jusque dans ses emplois les plus mod. L'influence considérable de la théol. cathol. sur ces mots s'explique par leur rattachement aux conceptions les plus fondamentales de la pensée humaine et leur rapp. synon. ou anton. avec d'autres termes du vocab. de base, ayant également une portée idéol., relig. − comme matière/matériel, esprit/spirituel,etc.
Prononc. et Orth. : [ʃ ε:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. chaire, cheire, cher, chère.  Étymol. et Hist. 1. a) Mil. xies. « ensemble des muscles du corps humain » (Alexis, éd. Paris et Pannier, 24a); ca 1100 hume de car « homme vivant, être humain » (Roland, éd. Bédier, 2141); b) ca 1100 p. méton. « corps humain (opposé à l'âme) » (Ibid., 2942); d'où c)fin xiies. « nature humaine (et peccamineuse) » (Sermons St Bernard, 114, 25 ds T.-L.); d) ca 1165 estre de la char(de)« être fils de » (G. D'ArrasEracles, 2932, ibid.); 2. mil. xies. « ensemble des muscles du corps des animaux, considéré comme aliment » (Alexis, éd. Paris et Pannier, 45e). Du lat. class. caro, carnis « chair » attesté notamment en opposition avec animus dès Sénèque (ds TLL s.v., 484, 52) et très fréquemment en lat. chrét. (cf. Tertullien, ibid., 485, 20) où il est notamment attesté à l'emploi 1 c (Vulgate, Rom. 8, 1). D'apr. Gilliéron (Pathologie et thérapeutique verbales, Paris, 1921, p. 1 et sqq.) la collision homon. chair [šęr] (succédant à char en m. fr. par suite de l'hésitation entre prononc. ar ou er devant consonne) et chère (< b. lat. cara) dans faire bonne chère avait entraîné la raréfaction d'emploi au sens 2 en fr. mod., le mot étant supplanté par viande.  Fréq. abs. littér. : 6 950. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 853, b) 10 455; xxes. : a) 14 842, b) 10 886.  Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 104, 173, 189, 385. − Goug. Mots t. 2, 1966, p. 122. − Greive (A.). Die Lexikalische Differenzierung des Begriffes Fleisch im Französischen. Arch. St. n. Spr.1968, t. 204, no6, pp. 426-429. − Rog. 1965. p. 29, 30, 121. − Roques (M.). Romania 1954, t. 75, p. 136.