jeudi 10 avril 2025

SÉMASIOLOGIE, subst. fém.

 LING. Étude des significations qui consiste à partir des mots, des formes pour aller vers la détermination du sens (s'oppose à onomasiologie, étude des significations qui part des concepts et en détermine les traductions linguistiques). Ce sont les linguistes allemands (Dornseiff, Vossler, puis Weisgerber) qui ont imposé cette opposition [entre onomasiologie et sémasiologie], pour attaquer l'étude des significations faite en partant du signe sémasiologie et défendre l'étude des dénominations onomasiologie. Ces deux termes, désignant les deux aspects méthodologiques d'une même discipline, la sémantique, me paraissent indispensables (A. ReyLe Lex.: images et modèles, 1977, p. 16).

Rem. Sémasiologie a été empl. par certains aut. comme un équivalent de sémantique; cet empl. a généralement disparu de l'usage actuel.
Prononc. : [semazjɔlɔ ʒi].  Étymol. et Hist. 1. 1884 « science des significations » (E. Jovy, Princ. de philol. comp. [trad. de l'angl. de A. H. Sayce], p. 15); 2. 1904 (A. Thomas ds Romania t. 33, p. 289: Quand on part d'un mot donné pour grouper dans un ordre logique les différentes significations de ce mot, on fait de la sémasiologie; quand on part d'une idée donnée pour grouper les différents mots qui servent à exprimer cette idée, on fait de l'onomasiologie). Formé du gr. σ η μ α ι ́ α « signe » et « signification d'un mot », et de -λ ο γ ι α (v. -logie); le mot a d'abord été empl. par le latiniste all. C. K. Reisig (mort en 1829) dans un ouvrage publ. en 1839, à titre posthume (Vorlesungen über Lateinische Sprachwissenschaft, II, 286: Semasiologie oder Bedeutungslehre, cité ds NED Suppl.2) et l'angl. semasiology est att. dep. 1877 (v. NED). Au sens gén. de « science des significations » le mot a été supplanté par sémantique* dans la terminol. ling. fr. (où il ne s'emploie que p. oppos. à onomasiologie*, pour désigner ce type d'approche complémentaire de la réalité ling., v. P. Swiggers ds Mél. Plomteux (H.) 1983, pp. 431-438), tandis que dans les domaines angl. et scand. il concurrence toujours ce terme.
DÉR. 
Sémasiologique, adj.Qui relève de la sémasiologie, appartient à la sémasiologie. La démarche sémasiologique type est celle de la lexicologie structurale, visant à représenter des structures (axe paradigmatique et axe syntagmatique) rendant compte d'une unité lexicale (Ling.1972). [semazjɔlɔ ʒik].   1reattest. 1912 (Dauzat, La Philos. du lang., p. 197); de sémasiologie, suff. -ique*.
BBG. − Baldinger (K.). Sémasiologie und onomasiologie. R. Ling. rom. 1964, t. 29, pp. 249-272. − Heger (K.). Les Bases méthodol. de l'onomasiologie et du classement par concepts. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1965, t. 3, pp. 7-32. − Rey (A.). Théories du signe et du sens. Lectures. 2. Paris, 1976, p. 287. − Ullmann (S.). Esquisse d'une terminol. de la sémantique. InCongrès Internat. des Linguistes. 6. 1948. Paris, 1949, p. 369.

mercredi 9 avril 2025

CONCUPISCENCE, susbt. fèm.

 A.− THÉOLOGIE

1. Rare. Aspiration de l'homme qui le porte à désirer les biens naturels ou surnaturels.
− En partic. Mouvement d'amour envers Dieu et les hommes. Priez, priez, jusqu'à ce que vous vous sentiez poursuivi par la concupiscence de cette jouissance (Saint-MartinL'Homme de désir,1790, p. 234).
2. Péj. Attirance naturelle de l'homme pour les biens terrestres, impliquant un dérèglement des sens et de la raison, conséquence du péché originel. Concupiscence de la chair, de l'esprit, des yeux :
1. ... encore que rien ne soit plus libre que l'amour, son premier mouvement ne lui appartient pas. Ce mouvement, quand il est mauvais, se nomme concupiscence, et l'on en distingue trois sortes : la concupiscence des sens,qui est la volupté; la concupiscence de l'esprit, qui est l'ambition; et la dernière, qui tient de l'une et de l'autre, parce qu'elle a pour objet les moyens de les satisfaire, la cupidité. OzanamEssai sur la philos. de Dante,1838, p. 111.
B.− Cour. [Le plus souvent en constr. de compl. prép.]
1. Désir très vif des plaisirs sensuels. Regarder avec des yeux de concupiscence (Ac. 1835-1932) :
2. Il n'aimait ni ne haïssait sa femme : il la désirait. Son imagination dépravée lui faisait voir en elle d'inouïes voluptés; il était resté inassouvi et n'espérait aucun assouvissement. Étrange couple où l'un, pétri du plus odieux des vices du corps, se murait dans une concupiscence vaine; tandis que l'autre, sans vertu, se défendait la vie sensorielle, par seul orgueil. J. PéladanLe Vice suprême,1884, p. 49.
− [P. anal. littér., à propos d'un animal] Les cerfs bramaient, ivres d'une telle concupiscence (ZolaLa Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1408).
2. Passion, convoitise à l'égard d'un bien matériel. Concupiscence charnelle; exciter la concupiscence. Vous barbotez dans des scrupules de religieuse qui s'accuse d'avoir mangé son œuf avec concupiscence (BalzacLes Illusions perdues,1843, p. 326).
Rem. On rencontre ds la docum. concupiscer, verbe intrans. Éprouver de la concupiscence. Ils se pâment les blondins (...). Ils concupiscent avec délices et se grisent de visions sadiques (M. LefèvreLes Gestes de la chanson, 1896, p. 142).
Prononc. et Orth. : [kɔ ̃kypisɑ ̃:s]. Les dict. mod. de Passy 1914 à Larg. Lang. fr. transcrivent [s] simple à la finale. Barbeau-Rodhe 1930 cependant admet [s] ou [ss]. Les dict. plus anc. Land. 1834, Nod. 1844, Fél. 1851, Littré et DG transcrivent [ss] double. Pourtant on rencontre déjà [s] ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787 et Gattel 1841. Admis ds Ac.1694-1932.  Étymol. et Hist. 1268 (Brunet LatinTrésor, éd. F. J. Carmody, II, 4, p. 177). Empr. au lat. chrét.concupiscentia de même sens, dér. du lat. class. concupiscere « convoiter ».  Fréq. abs. littér. : 177.