lundi 19 août 2024

FLUX, subst. masc.

 A.− Écoulement d'un liquide organique. Flux de sang, de bile; flux menstruel, hémorrhoïdal. Mais le flux brûlant de ses larmes continuait de monter à ses yeux (GenevoixMarcheloup,1934, p. 269).Alors, tout d'un coup, ton flux de ventre se guérit de lui-même (ArnouxSolde,1958, p. 230).

♦ P. ext. Écoulement de matières liquides en général ou d'un fluide :
1. ... certain isolement. (Dont j'avais souffert sans bien en avoir conscience : le mineur qui, soudain, au fond de sa mine, respire un grand flux d'air frais, et qui s'aperçoit seulement alors qu'il peinait jusque-là dans une galerie mal aérée...) Martin du G.Souv. autobiogr.,1955, p. LXII.
− Au fig. Grande abondance, afflux, flot. Un flux de paroles. Flux de bouche (vx). Bavardage. Il parle de peinture avec outrance et bêtise. Sa parole est un flux continu qu'aucune objection, qu'aucune interrogation même, n'arrête (GideJournal,1912, p. 384):
2. De temps en temps, aux moments les plus « énergiques » du réquisitoire, dans ces instants où l'éloquence, qui ne peut se contenir, déborde dans un flux d'épithètes flétrissantes et enveloppe l'accusé comme un orage, il remuait lentement la tête de droite à gauche et de gauche à droite... HugoMisér.,t. 1, 1862, p. 328.
B.− Marée montante. Regarder arriver le flux. L'heure du flux approchoit, mon libérateur tira du danger même le moyen de mon salut : il aperçut une nacelle des Francs échouée sur le sable (...). La mer ne tarda pas à couvrir ses grèves(Chateaubr.Martyrs,t. 1, 1810, p. 304).Parfois, on se fût cru en mer; ils imitaient le bruit des lames, celui du flux et du reflux (MicheletOiseau,1856, p. xxxi).
− P. anal. [En parlant d'une masse d'individus en mouvement] Le flux et le reflux de la foule :
3. ... il était plus intéressé encore par la foule flottante des prêtres accourus de la chrétienté entière. (...). Ah! ce flux et ce reflux, cette continuelle marée, dans Rome, des robes noires, des frocs de toutes les couleurs!... ZolaRome,1896, p. 300.
− Au fig. Mouvement semblable à celui de la marée montante. Le flux et le reflux d'opinions contraires :
4. ... dans une pièce voisine, j'entrevois des gens assis dans des fauteuils et qui surveillent un tableau pareil à ceux qui indiquent la position des équipes à la pelote basque, où se chiffrent en blanc et rouge le flux et le refluxdes valeurs. MorandNew-York,1930, p. 55.
C.− PHYS. Flux énergétique*, magnétique*.
Flux lumineux. Quantité de lumière émise par une source lumineuse en un temps déterminé :
5. Ainsi en faisant fonctionner une ampoule de 110 volts avec une tension de 150 volts environ, on arrive à quadrupler le flux lumineux. Cet avantage est acquis en sacrifiant la longévité de l'ampoule. Arts et litt.,1935, p. 3013.
− PHYS. NUCL. Nombre de particules d'un faisceau qui traversent une section de ce faisceau pendant l'unité de temps (cf. Nucl. 1964).
D.− P. anal., ÉCON. Quantités économiques qui transitent (circulent) d'un secteur à l'autre de l'économie ou d'un groupe d'agents à un autre tout au long d'un circuit économique (cf. Combe-Cusset, 1974). Le défaut de complémentarité empêche les transmissions de flux réels d'un centre à un autre et celles des flux monétaires d'un groupe social à un autre (Univers écon. et soc.1960, p. 3602).
REM. 
Fluxer, verbe trans.,pétrochim. Rendre un produit lourd moins consistant par l'addition d'une huile plus fluide (cf.Barb.-Cad. 1963 et 1971). Pour la fabrication des émulsions, l'asphalte fluxé par des fuel-oils est émulsionné avec de l'eau par passage dans un homogénéiseur (ChartrouPétroles nat. et artif.,1931, p. 148).
Prononc. et Orth. : [fly]. x ne se prononce pas dans prix, perdrix, crucifix, flux. Mais on recommande parfois la liaison dans flux et ses dérivés : un flux abondant [flyzabɔ ̃dɑ ̃]. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932.  Étymol. et Hist. 1. 1306 méd. « écoulement d'un liquide organique » flux de ventre (G. GuiartBranche des royaus lignages, éd. Wailly et Delisle, 11752); 2. ca 1470 « écoulement de liquide, ici eau » (Trahison de France, p. 172, chron. belg. ds Gdf. Compl.); 3. 1580 « mouvement de l'eau » (MontaigneEssais, éd. A. Thibaudet, II, ch. 17, p. 716 : flux et reflux de la riviere du Nile); 4. fig. id. « abondance, afflux » (Id.ibid., III, ch. 6, p. 1005 : flux de caquet, flux impetueux par fois et nuisible). Empr. au lat. class. fluxus « écoulement d'un liquide ».  Fréq. abs. littér. : 846. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 712, b) 857; xxes. : a) 855, b) 2 016.

mercredi 14 août 2024

PASTICHE, subst. masc.

 A. − OEuvre artistique ou littéraire dans laquelle l'auteur imite en partie ou totalement l'oeuvre d'un maître ou d'un artiste en renom par exercice, par jeu ou dans une intention parodique. Synon. copie, imitation, parodie.Je m'imagine continuant à écrire des poésies en vers libres français, publiant de temps en temps un recueil de pastiches (LarbaudBarnabooth, 1913, p.364).Les premiers romans de Balzac ne sont que des plaisanteries, et même, en plusieurs endroits, des pastiches comiques (BrasillachCorneille, 1938, p.108):

. Paul Baudry a été tour à tour corrégien, véronésien, mais n'a jamais eu de signature à lui, en dépit d'un tempérament de vrai peintre. Un pastiche du grand talent, presque de génie, son plafond de la Païva qui semble le plafond de la Venise triomphante copié par un Lemoyne. GoncourtJournal, 1886, p.527.
− P. méton. Imitation ou évocation du style d'un écrivain, d'un artiste ou d'une école sans qu'il y ait reproduction d'une oeuvre particulière. Il n'y a pas «pastiche» comme tu dis, (...) il y a continuation. Et je crois que c'est un coup de génie d'avoir ainsi retrouvé le primitif sous le placage moderne (RivièreCorresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p.312).Une contradiction apparaît au premier regard entre le personnage [Montherlant] (...) et cette écriture jaillie, à travers trois siècles, de la profonde nappe classique, sans qu'il y ait jamais pastiche, l'écriture la plus aisée, la plus négligée, la plus libre (MauriacMém. intér., 1959, p.193).
B. − P. ext. Ouvrage d'imitation; imitation du style d'une époque ou d'un genre. Ce charme, ont-ils [les aménageurs de villes d'eaux] vraiment cru pouvoir le maintenir ici, rien qu'en recopiant, ou à peu près, l'architecture de quelques maisons surannées? Et restent-ils incapables de comprendre ce qui va manquer à leur pastiche de ville basque (LotiChât. Belle-au-bois-dorm., 1910, p.74).
C. − HIST. DE LA MUS. ,,Opéra dans lequel on a réuni des morceaux de musique pris dans différents ouvrages et ajustés tant bien que mal à un nouveau poème`` (Rougnon 1935, p.183).
Prononc. et Orth.: [pastiʃ]. Att. ds Ac. dep. 1762.  Étymol. et Hist. 1719 peint. «contrefaçon d'un tableau» (J.-B. Du BosRéflexions crit. sur la poés. et sur la peint., t.2, p.363); 1787 p.ext. «ouvrage dans lequel l'auteur imite le style d'un autre» ici, dans le domaine littér. (MarmontelOEuvres, t.9, p.190 ds Littré). Empr. à l'ital. pasticcio, att. au sens fig. de «imbroglio» dep. la 2emoitié du xviies. (Fr. Baldovini ds Tomm.-Bell.), propr. «pâté» (v. pastis).  Fréq. abs. littér.: 84.  Bbg.Gall. 1955, pp.177-179. _Hope 1971, p.298. _Sculpt. 1978, p.550.

ASPERGE, subst. fém.

 A.− BOT., GASTR. Plante potagère de la famille des liliacées, dont les jeunes pousses ou turions sont comestibles et très appréciées par les gastronomes :

1. Il y a à gauche de vastes terrains, recouvrant l'emplacement d'une carrière (de Montmartre) éboulée, que la commune a concédés à des hommes industrieux... Ils ont... créé des champs... où l'asperge montée étale en cette saison ses panaches verts décorés de perles rouges. NervalBohême galante,1853, p. 187.
2. Les cloches des melons brillaient à la file sur leur couche étroite; les artichauts, les haricots, les épinards, les carottes et les tomates alternaient jusqu'à un plant d'asperges, qui semblait un petit bois de plumes. FlaubertL'Éducation sentimentale,t. 2,1869, p. 62.
3. ... quand il avait des poireaux, il criait : bottes d'asperges! parce que les poireaux sont les asperges du pauvre. A. FranceCrainquebille, Putois, Riquet,t. 14,1904, p. 13.
4. Disons tout d'abord que les asperges ne doivent pas être seulement ratissées, ainsi que trop de gens se contentent de le faire, mais bien pelées à fond, ce qui permet de les consommer dans leur presque totalité. Les Gdes heures de la cuis. fr., P. Montagné,1948, p. 191.
SYNT. Carré, pointe d'asperge(s); asperge qui monte, montée (en graine); asperge comestible.
− Spéc., PHARM. Plante (asperge officinale) dont les racines apéritives et les jeunes pousses diurétiques sont utilisées pour la fabrication des médicaments.
Rem. On rencontre ds la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. le terme aspergerie ou aspergière ou aspergeraie,subst. fém. (cf. notamment Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., s.v. aspergerie, Lar. encyclop. et Quillet 1965; suff. -erie*, -ière*, -e(r)aie*). Terrain planté d'asperges.
− P. anal.
1. [Avec la couleur de la plante]
a) [Constr. en appos.] Vert asperge. Vert pâle. Ameublement en laque vert asperge (LorrainMonsieur de Phocas,1901, p. 95).
b) Substantif :
5. Il [l'alexandrite] appartient au système orthorhombique, mais se présente souvent sous forme d'une étoile hexagonale due à la formation de mâcles. Son clivage est pinacoïdal (basal); sa nuance varie du vert asperge au vert profond, il est plus rarement bleu ou brun; ... A. et N. MettaLes Pierres Précieuses,1960, p. 82.
2. [Avec sa forme longue et mince]
a) Pop. Personne, notamment adolescent ou (plus souvent) adolescente ayant grandi trop vite et pour cette raison trop longue et trop maigre. C'est une asperge (montée) (Besch. 1845, Lar. 19e-Lar. Lang. fr.) :
6. Jamais les adolescents n'ont poussé si vite et si haut, sans déséquilibre, sans tourner à l'asperge en observant les proportions de l'élancement; ... A. ArnouxLes Crimes innocents,1952, p. 193.
Rem. Les ex. suivants permettent de jalonner l'emploi métaph. du subst. dans la lang. littér. :
7. Elle [Nana] allait sur ses treize ans, grande déjà comme une asperge montée, avec un air d'effronterie; ... ZolaL'Assommoir,1877, p. 678.
8. ... il y a chez elle [la fiancée] du vieil oiseau et de l'asperge montée en graine. E. et J. de GoncourtJournal,1890, p. 1235.
b) Arg. milit. Mollets du soldat. Mettre ses asperges en bottes. Rouler ses bandes molletières (A. DauzatL'Arg. de la guerre, 1918).
c) Arg. Sexe de l'homme (cf. Le Breton 1960 et Éd. 1967).
♦ [En parlant d'une femme] Aller aux asperges. Chercher fortune sur le trottoir (Le Breton 1960).
B.− Emplois techn.
1. B.-A. ,,Rudenture terminée par un bourgeon entrouvert (motif fréquent dans le style Louis XVI)`` (Lar. encyclop.).
2. TECHNOL. ,,Brin de baleine, d'un tiers d'aune de longueur au plus`` (Ac. compl. 1842).
Rem. Sens attesté ds Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Littré et DG.
PRONONC. : [aspε ʀ ʒ].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1256 esparge (Aldebrand de Sienne, L. Landouzy et R. Pépin − ds Quem. : esparge); 1387 esperge(G. PhébusLa Chasse, 149, Lavallée, cité par Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 2, p. 262 : Lors doit aler en queste aux fouges pour les racines qu'ilz mengent et de l'esperge); 1548 asperge (RabelaisQuart liv., ch. VII ds Gdf. Compl. : Vous en voirez naistre les meilleurs asperges du monde). Du lat. asparagus « asperge » attesté dep. Lucilius, 847 ds TLL s.v., 799, 36.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 145.
BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Alex. 1768. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Criqui 1967 →. − Dumas 1965 [1873]. − Duval1959. − Éd. 1967. − France 1907. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Lasnet 1970. − Le Breton 1960. − Littré-Robin 1865. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Mont. 1967. − Nysten 1824. − Pope 1961 [1952], § 497, 498. − Privat-Foc. 1870. − Wexler (P. J.). Pour l'ét. du vocab. des vaudevilles. In : [Mél. Cohen (M.)]. The Hague-Paris, 1970, p. 210.
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A.− Emploi trans. Arroser légèrement en projetant un liquide en forme de pluie.
1. Dans le domaine relig.
a) [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Aspergeant le peuple du sang de la victime (Ac.1798-1878Guérin 1892):
1. ... tous les moines, à la suite, défilèrent devant le père Maximin, debout sur les marches, tournant le dos à l'autel, et il les aspergea d'eau bénite, alors que, baissant la tête, ils regagnaient, en se signant, leurs stalles.HuysmansEn route,t. 2,1895, p. 217.
b) [Le compl. d'obj. désigne une chose concr., un corps, etc.] :
2. Le prêtre dit Pater Noster. Il encense et il asperge le corps pour l'embaumer pour l'éternité : cette absoute est le dernier adieu. BarrèsMes cahiers,t. 7,1908, p. 113.
Rem. Ces aspersions rituelles se font gén. à l'aide d'un rameau ou d'un goupillon.
2. Dans le domaine courant.
a) [Le compl. d'obj. désigne une pers.] :
3. ... − il se plaqua contre la roche, le nez dans les moules, les bras en croix, la jambe droite sur des goémons. Le rouleau déferla et le couvrit d'écume. Il se garda de lever le nez. La mer montait − elle ne se contenterait pas toujours de l'asperger d'écume, il viendrait un moment qu'elle se renverserait sur lui... QueffélecUn Recteur de l'île de Sein,1944, p. 133.
b) [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Asperger du linge avant de le repasser (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.) :
4. ... après avoir bien pesé, bien mûri, bien retardé ma décision, je bondissais d'un coup, les dents serrées, jusqu'à la cheminée où je faisais crouler une pile de bois que j'aspergeais d'essence. Saint-ExupéryPilote de guerre,1942, p. 301.
Rem. Pour désigner la matière de l'aspersion, asperger se construit le plus souvent avec la prép. de : asperger d'eau (bénite), d'essence. On trouve, plus rarement, asperger avec notamment, lorsque le compl. circ. a une certaine longueur : ,,on nous a aspergés avec de l'eau de fleurs d'oranger`` (cf. FlaubertCorrespondance, 1850, p. 246).
3. P. métaph. :
5. ... la nature avait combiné en Despréaux les traits de l'un et l'autre [frères], mais avec finesse, avec distinction, et avait aspergé le tout d'un sel digne d'Horace. Sainte-BeuveNouveaux lundis,t. 3,1863-69, p. 20.
6. La jeunesse ouvrière abandonne l'artisanat pour l'usine, et, chez les artistes, la jeunesse se fatigue de la route nationale. Elle se décourage, dépassée par les grosses voitures qui l'aspergent de lumière et de boue. CocteauPoésie critique2, Monologues,1960, p. 178.
Rem. Ces ex. sont intéressants parce qu'ils montrent à l'œuvre le mécanisme de la métaph. substituant une dénomination inattendue (asperger) à la dénomination attendue (éclabousser, inonder, dans l'ex. 6, saupoudrer dans l'ex. 5), sur la base de sèmes communs dont l'identification est abandonnée à la sagacité du destinataire du message.
B.− Emploi pronom.
1. Emploi réfl. dir. S'asperger d'eau chaude.
2. Emploi réfl. indir.
a) [Avec un compl. d'obj. dir. indiquant le corps ou une partie du corps] :
7. ... il chercha le seau d'eau froide, y plongea les avant-bras et s'aspergea le visage. AyméLa Jument verte,1933, p. 43.
b) [Avec un compl. d'obj. dir. indiquant la matière de l'aspersion, et un compl. circ., prép. sur, indiquant la partie du corps aspergée] :
8. Les Indiens Chané du nord de l'Argentine sont aussi fort propres, mangeant dans des bols séparés, se rinçant la bouche après le repas et s'aspergeant de l'eau sur les doigts. R.-H. LowieManuel d'anthropol. culturelle,1936, p. 83.
− P. métaph. :
9. Il n'existe pas une revue d'art où l'on n'aborde à chaque page les problèmes dont la presse nous entretient. Et cela s'accompagne d'un curieux quadrille. Les adversaires se saluent, échangent des clins d'œil, s'aspergent d'un vinaigre de politesses. Les insultes et les grâces alternent, ... CocteauPoésie critique2, Monologues,1960, p. 14.
Rem. On rencontre dans la docum. le néol. aspergeur, subst. masc. (A. ArnouxParis-sur-Seine, 1939, p. 133, suff. -eur2*). Aspergeur d'encre. Iron. Celui qui asperge (cf. le néol. concurrent asperseur recensé par Lar. 19e-Lar. 20e).
PRONONC. ET ORTH. : [aspε ʀ ʒe], j'asperge [ʒaspε ʀ ʒ]. Enq. : /aspeʀ ʒ/ (il) asperge. Cf. abroger.
ÉTYMOL. ET HIST. I.− Cont. relig. a) xiies. liturg. asperger de « mouiller d'un liquide projeté par gouttes » (Mainet, éd. G. Paris, IV, 99 ds T.-L. : Tierce fois le [la rivière où devaient être baptisés les païens] saigna li clers de sa main destre, Puis i jeta de l'oile, du saint cresme l'esperge); b) 1488 « répandre avec l'aspersoir » (A.N. LL 728, fo38 rods Gdf. Compl. : Asperger l'eaue beneiste). II.− Cont. profane a) 1551 « jeter en gouttes, répandre » (Cotereautrad. de Columelle, V, 6 ds Hug. : Il vauldra mieulx y espandre et asperger de l'eau tout doulcement); b) 1606 « jeter, répandre en menus grains » (Trad. de Folengo, Merlin Coccaie, L. I [I, 22], ibid. : Un autre sur les fricassées asperge du gyngembre et du poivre). Empr. au lat. aspergere, au sens de « saupoudrer (qqn de qqc.) » (PlauteEpid., 554 ds TLL s.v., 819, 43 : Guttula pectus ardens mi aspersisti); au sens de « répandre (un liquide) » (PlauteBacch., 247, ibid.,818, 60 : aspersisti aquam [ici, par image]); emploi relig. ann. 1077, Berth.Annal., p. 293, 15 ds Mittellat. W. s.v.,1038, 10 : in sabbatho sancto paschae ante infusum chrisma in aqua baptismi omnes circumstantes ex ipsa aspergere.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 93.
BBG. − Noter-Léc. 1912. − Timm. 1892.

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Les mots asperge et asperger sont si étonnamment proches par la forme qu’on leur suppose naturellement une proximité sémantique, pourtant bien peu évidente en apparence. L’asperge vaut qu’on s’y arrête, tant pour la chose qu’elle désigne, que pour son nom. Parce qu’elle contient du zinc et de la vitamine E, cette plante potagère de la famille des Liliacées est couramment rangée au nombre des aliments aphrodisiaques, et l’histoire du mot semble vouloir valider cette assertion. Qu’on en juge : asperge, qui s’est d’abord rencontré sous la forme esparge, est issu du latin asparagus. Celui-ci est emprunté du grec asparagos, altération, par perte de l’aspiration de la lettre phi, de aspharagos. Il faut pousser plus loin notre enquête et, pour poursuivre notre recherche, nous allons maintenant cheminer avec comme guide le Dictionnaire étymologique de la langue grecque, de Pierre Chantraine. On nous signale, à l’article aspharagos, le rapprochement étymologique suivant : « On pense à spharageomai, « se gonfler, éclater ». Si l’on se reporte à ce verbe, on apprend que « le radical se retrouve… dans le grec spargaô », ce dernier verbe signifiant « se gonfler, être prêt à jaillir », mais aussi « être gonflé de désir, de passion », voire « d’orgueil ». Il y est aussi écrit qu’« il n’est peut-être pas impossible d’évoquer le latin spargo, « répandre, faire jaillir ». Ce verbe, dont l’infinitif est spargere, a un dérivé, aspergere, déjà attesté chez Plaute avec les sens de « saupoudrer » et de « répandre un liquide ». Ainsi donc, même s’ils n’appartiennent pas au même champ lexical, nos mots asperge et asperger se trouvent bien être parents.

Mais Pierre Chantraine ajoute aussi que spargaô est « proche de orgaô, qui est de sens plus général ». Ce verbe ne fait pas l’objet d’une entrée, mais on le retrouve à l’article orgê, « passion, colère », dont il est tiré. Orgaô signifie « être plein de suc ou de sève », mais aussi « être plein de désir », particulièrement « être plein de désir amoureux », et a un dérivé tardif, orgasmos, « orgasme ».

Ainsi, linguistiquement parlant s’entend, notre asperge nous a conduit à l’orgasme. Les tours et détours de la langue sembleraient donc bien confirmer ce que nous enseignent nos amis botanistes : l’asperge est un aphrodisiaque.

Rappelons d’ailleurs, pour conclure, que, dans ses ouvrages sur l’argot, Auguste Le Breton signale que le nom asperge désigne le sexe masculin et que l’expression aller aux asperges signifie « chercher fortune sur le trottoir ».Les mots asperge et asperger sont si étonnamment proches par la forme qu’on leur suppose naturellement une proximité sémantique, pourtant bien peu évidente en apparence. L’asperge vaut qu’on s’y arrête, tant pour la chose qu’elle désigne, que pour son nom. Parce qu’elle contient du zinc et de la vitamine E, cette plante potagère de la famille des Liliacées est couramment rangée au nombre des aliments aphrodisiaques, et l’histoire du mot semble vouloir valider cette assertion. Qu’on en juge : asperge, qui s’est d’abord rencontré sous la forme esparge, est issu du latin asparagus. Celui-ci est emprunté du grec asparagos, altération, par perte de l’aspiration de la lettre phi, de aspharagos. Il faut pousser plus loin notre enquête et, pour poursuivre notre recherche, nous allons maintenant cheminer avec comme guide le Dictionnaire étymologique de la langue grecque, de Pierre Chantraine. On nous signale, à l’article aspharagos, le rapprochement étymologique suivant : « On pense à spharageomai, « se gonfler, éclater ». Si l’on se reporte à ce verbe, on apprend que « le radical se retrouve… dans le grec spargaô », ce dernier verbe signifiant « se gonfler, être prêt à jaillir », mais aussi « être gonflé de désir, de passion », voire « d’orgueil ». Il y est aussi écrit qu’« il n’est peut-être pas impossible d’évoquer le latin spargo, « répandre, faire jaillir ». Ce verbe, dont l’infinitif est spargere, a un dérivé, aspergere, déjà attesté chez Plaute avec les sens de « saupoudrer » et de « répandre un liquide ». Ainsi donc, même s’ils n’appartiennent pas au même champ lexical, nos mots asperge et asperger se trouvent bien être parents.

Mais Pierre Chantraine ajoute aussi que spargaô est « proche de orgaô, qui est de sens plus général ». Ce verbe ne fait pas l’objet d’une entrée, mais on le retrouve à l’article orgê, « passion, colère », dont il est tiré. Orgaô signifie « être plein de suc ou de sève », mais aussi « être plein de désir », particulièrement « être plein de désir amoureux », et a un dérivé tardif, orgasmos, « orgasme ».

Ainsi, linguistiquement parlant s’entend, notre asperge nous a conduit à l’orgasme. Les tours et détours de la langue sembleraient donc bien confirmer ce que nous enseignent nos amis botanistes : l’asperge est un aphrodisiaque.

Rappelons d’ailleurs, pour conclure, que, dans ses ouvrages sur l’argot, Auguste Le Breton signale que le nom asperge désigne le sexe masculin et que l’expression aller aux asperges signifie « chercher fortune sur le trottoir ».