dimanche 29 octobre 2023

ALTÉRATION, subst. fém.

1.

A.− Modification de l'état ou de la qualité d'une chose.

1. Rare. Changement radical, sans nuance :
1. ... ainsi parlait un des plus anciens philosophes dont les écrits soient parvenus jusqu'à nous, et depuis lui nos observations ne nous en ont pas appris davantage. L'univers nous paraît tel encore qu'il lui paraissait être alors. Ce caractère de perpétuité sans altération, n'est-il pas celui de la divinité ou de la cause suprême? Que serait donc Dieu, s'il n'était pas tout ce que nous paraissent être la nature et la force interne qui la meut? Irons-nous chercher hors du monde cet être éternel et improduit, dont rien ne nous atteste l'existence? Ch.-F. DupuisAbrégé de l'origine de tous les cultes,1796, pp. 9-10.
− MUS. ,,Modification que l'on fait subir à l'intonation primitive d'une note en la haussant ou en la baissant au moyen de signes appelés signes d'altération.`` (Rougnon 1935).
♦ Altération constitutive ou armure de la clé. L'altération placée auprès de la clé.
♦ Altération accidentelle ou accident. L'altération placée dans le courant d'un morceau, devant une note (cf. Quillet1965).
− PHILOS. ,,Chez Aristote, changement dans la catégorie de qualité : le fait de devenir ou de rendre autre.`` (Lal.1968).
2. Usuel. Modification immédiatement perceptible des traits, de la voix d'une pers., sous l'effet d'une émotion vive :
2. ... aussitôt je fis un mouvement pour m'éloigner; mais Charlemagne, sans proférer une parole, me retint en me prenant fortement la main; la sienne étoit tremblante, l'altération de ses traits et l'expression de sa physionomie avoient quelque chose de terrible et d'effrayant : il fit passer dans mon ame le trouble affreux qu'il éprouvoit...Mmede GenlisLes Chevaliers du Cygne,t. 1, 1795, p. 302.
3. Un flot de sang vint aux joues de MlleChantal. − Et moi, dit-elle sans daigner dissimuler l'altération de sa voix,je n'ai rien fait pour mériter d'entendre des paroles telles que celles-ci. Non, je n'ai rien fait. G. BernanosLa Joie,1929, p. 546.
4. ... il est une altération, lente et essentielle, à laquelle nous ne saurions échapper : l'âge, la vieillesse, qui, d'instant en instant, nous enlèvent à nous-mêmes pour nous pousser vers la fin. P. Teilhard de ChardinLe Milieu divin,1955, p. 83.
B.− Dégradation par rapport à l'état initial ou normal d'une chose, ou aspect de l'être humain.
1. [L'altération est spontanée]
a) [En parlant de choses] Altération des roches :
5. Pasteur vint passer huit jours à Tantonville. Il en revint avec des principes (toute altération de la bière dépend du développement des organismes microscopiques qui sont apportés par l'air, par les matières premières, par les appareils dont on fait usage dans les brasseries). M. BarrèsMes cahiers,t. 2, oct. 1899-juill. 1901, pp. 214-215.
6. Les principales causes de l'altération des couleurs sont l'action des gaz de l'atmosphère et l'action des rayons chimiques de la lumière. Moreau-VauthierLa Peinture, les divers procédés, les maladies des couleurs, les faux tableaux,Préf. d'É. Dinet, 1933, p. 181.
b) [En parlant d'une qualité humaine] :
7. ... aussi de pareils propos la froissaient-ils dans son orgueil, en même temps que l'altération d'humeur si soudaine du savant lui rendait leur commun intérieur presque inconfortable. P. BourgetLe Disciple,1889, p. 211.
8. ... j'avais trouvé comme un refuge matériel pour ce nom de Guermantes auquel il prêtait sa dernière réalité, ce milieu avait lui-même subi, dans sa constitution intime et que j'avais crue stable, une altération profonde. M. ProustÀ la recherche du temps perdu,Le Temps retrouvé, 1922, p. 956.
− SPÉC., PSYCHANAL. ,,Chez Freud. Altération du moi : ensemble des limitations et des attitudes anachroniques acquises par le moi au cours des étapes du conflit défensif, et qui retentissent défavorablement sur ses possibilités d'adaptation.`` (Lapl.-Pont. 1967).
2. [L'altération est voulue] Contrefaçon, falsification, imitation frauduleuse :
9. ... Mais les docteurs juifs, chrétiens, musulmans, se récriant sur cet exposé, et traitant les Parses d'idolâtres et d'adorateurs du feu, les taxèrent de mensonge, de supposition, d'altération de faits; et il s'éleva une violente dispute sur les dates des événements, sur leur succession et sur leur série... C.-F.-C. de VolneyLes Ruines,1791, p. 187.
10. 52. Toute altération, tout faux dans les actes de l'état civil, toute inscription de ces actes faite sur une feuille volante et autrement que sur les registres à ce destinés, donneront lieu aux dommages-intérêts des parties, sans préjudice des peines portées au Code pénal. Code civil,1804, p. 11.
11. Lui, que j'avais toujours connu si sévère pour les moindres altérations de la vérité, je le surprenais à mentir, et d'un mensonge évidemment pathologique. Il disait par exemple qu'il s'était promené au jardin, quand il était resté dans son bureau, et vice versa. Il prétendait avoir lu un journal qu'il n'avait pas lu. P. BourgetLe Sens de la mort,1915, p. 94.
− Spécialement
♦ ARM. Altération de consigne. ,,Action de changer sciemment la consigne, en parlant du chef d'un poste. C'est un délit que l'on punit de six mois d'emprisonnement.`` (Besch. 1845).
♦ FIN. Altération d'une monnaie :
12. La promptitude avec laquelle on aurait soin de reporter à l'hôtel des monnaies une pièce altérée, fournirait au ministère public des moyens de remonter plus aisément à la source des altérations frauduleuses. J.-B. SayTraité d'économie politique,1832, p. 299.

2.

Rare. Soif insatiable souvent causée par la fièvre :
1. ... je me couche et lirai plutôt dans mon lit. Je suis las et d'une altération brûlante. Aurais-je un peu de fièvre par hasard? J. Barbey d'AurevillyPremier Memorandum,1838, p. 197.
2. − Le temps est à la pluie et aux éclairs plus que tantôt encore. − Bu de l'eau, − les mains brûlantes, les nerfs abattus et l'altération insatiable. − Dans l'impossibilité de travailler. J. Barbey d'AurevillyDeuxième Memorandum,1838, p. 316.
Prononc. : [alteʀasjɔ ̃]. Harrap's 1963 : altεrasjɔ ̃.
Étymol. ET HIST. − 1. Ca 1265 philos. « changement dans la nature d'une chose » (Brunetto LatiniLi Livres dou tresor, éd. Chabaille, 1863, p. 149 : Alteracion est cele euvre de nature qui mue une chose en une autre); cf. 1690 id.(Fur. : [...] Aristote admet un mouvement d'alteration qui est cause des generations & corruptions); connaît des applications dans différents domaines a) 1580 méd. (MontaigneEssais, I, XIX ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3 1888, p. 23a : Et puis, n'est-ce rien d'aller au moins jusque-là [la pensée de la mort] sans altération et sans fiebvre?); b) 1718 phys. chim. « corruption d'une substance » (Ac. : [...] Les élemens purs ne sont pas susceptibles d'altération, l'alterationdes qualitez dans les corps Physiques); c) 1718 fin. (ibid. : Alteration. En parlant des Monnoyes, sign. La falsification des monnoyes); 2. 2emoitié xvies. au fig. « trouble, agitation, émotion » (Ph. de MarnixCorrespond. et Meslanges, p. 416 ds Hug. : Trouver inventions ... à soulager les mescontentemens du peuple, à appaiser leurs alterations); 3. 1532 « soif » (RabelaisPantagruel, éd. V.-L. Saulnier, chap. II, p. 17 : c'estoit pitoyable cas de veoir le travail des humains pour se guarentir de ceste horrificque altération). Empr. au b. lat. alteratio « changement » (Boècein Porph. comm., 4, p. 118Bds TLL s.v., 1749, 38 : alteratio ...continens est, aliud vero intra alterationis spatium continetur); spéc. en lat. médiév., terme de philos. (1248-1256, Albert Le GrandPhys., 7, 1, 5, p. 496a, 32 ds Mittellat. W. s.v., 509, 36 : alteratio non est nisi quando sub eodem subiecto manente in omnibus suis substantialibus mutatio fit); de méd. (1256-1260, Id.Animal., 19, 2, ibid., 509, 55 : quaedam sunt alterationes animalium secundum accidentia); de chim. (xiie-xiiies., Geberus, alchimista, Summ., 1, 13, ibid., 509, 66 : quae [proiectio] est ad intentionem alterationis metallorum); de fin. (1154, Chart. Basil., A I 210, p. 323, 20, ibid., 509, 71 : super monete alteratione, que sui viluit levitate).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 617. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 1 739, b) 603; xxes. : a) 310, b) 629.
BBG. − Ac. Can.-Fr. 1968. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Baulig 1956. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Candé 1961. − Cap. 1936. − Cros-Gardin 1964. − Darm. Vie 1932, p. 103. − Dup. 1961. − Éd. 1913. − Fromh.-King 1968. − Goblot 1920. − Lacr. 1963. − Lal. 1968. − Lapl.-Pont. 1967. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Piéron 1963. − Plais.-Caill. 1958. − Rougnon 1935. − St-Edme t. 1 1824. − Springh. 1962.

jeudi 21 septembre 2023

ASTRINGENT, ENTE, adj.

 MED. [En parlant de médicaments] Qui a la propriété de resserrer les tissus :

1. C'est dommage que l'eau soit si salée. − On eût dit en effet de l'eau de mer, ou plutôt quelque chose d'astringent comme une forte solution d'alun. FromentinUn Été dans le Sahara,1857, p. 228.
SYNT. Remède astringent; drogue, herbe, plante, potion, poudre, tisane astringente.
− P. anal. :
2. « Moi pour travailler, − c'est Tourguéneff qui parle, − il me faut l'hiver, une gelée comme nous en avons en Russie, un froid astringent, avec des arbres chargés de cristaux. » E. et J. de GoncourtJournal,1876, p. 1133.
− P. ext. [En parlant de substances, de plantes, de leur odeur, de leur goût] Amer :
3. Apprendre par le sens du goût que le sel marin a, comme on dit, une saveur franche et que le sulfate de fer a une saveur astringente, c'est apprendre que ces deux sels sont susceptibles d'affecter, chacun à sa manière, l'organe du goût, mais ce n'est rien apprendre quant à la nature du sel marin ou du sulfate de fer. CournotEssai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 144.
− Au fig. :
4. Quand j'ai passé la frontière, je remplace la défiance par la cordialité humaine. Il y a donc bien ici, dans notre atmosphère morale, quelque chose d'astringent et d'agressif qui contracte les natures un peu impressionnables. Ce quelque chose c'est le soupçon ironique, la malignité envieuse et dénigrante, la parole perfide, la mauvaise joie de faire de la peine à autrui, ... AmielJournal intime,1866, p. 254.
5. Un peu d'amertume dans les talents sur l'âge est quelque chose d'astringent et qui donne du ton. Chateaubriand en a de reste. Lamartine en manque tout à fait : il va à la fadeur. Sainte-BeuveMes poisons,1869, p. 24.
♦ Néol., inus. [En parlant d'une pers.] :
6. Dans Bonsoir d'avant-hier... on le félicitait [Béraud] d'avoir réussi ce tour de force d'occuper dignement la place tenue jusque-là par l'astringent Léautaud-Boissard, − Astringent? J'avoue que je ne comprends pas l'application de ce mot. P. LéautaudJournal littér.,4, 1922-24, p. 103.
− Emploi subst. Substance chimique ou végétale ayant la propriété de resserrer les tissus. Synon. styptique :
7. ..., il sera avantageux de sécher la muqueuse par des astringents : sels de zinc..., sulfate de fer (0,10), de cuivre... Hudelo ds(F. Widal, G.-H. Roger, P.-J. Teissier, Nouv. traité de méd.,fasc. 1, 1926, p. 504).
♦ Au fig. :
8. Ah! Ce n'était pas pour dire, mais le parti catholique était bien peu difficile dans le choix de ses protégées et bien peu artiste! Ces lymphes qu'il avait tant choyées et pour lesquelles il avait épuisé l'obéissance de ses feuilles, écrivaient toutes comme des pensionnaires de couvent, dans une langue blanche, dans un de ces flux de la phrase qu'aucun astringent n'arrête! HuysmansÀ Rebours,1884, p. 196.
PRONONC. : [astʀ ε ̃ ʒ ɑ ̃], fém. [-ɑ ̃:t].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1537 (J. Canappe4elivre de la méthode thérap. ds Presse médicale, 57, 579 sans attest.); 1553 (P. BelonObservations, II, 39 ds Rev. Philol., t. 43, p. 178 : Ayans ... recouvré un petit rameau, duquel goustasmes, et aussi de ses fueilles, les trouvasmes estre quelque peu adstringentes). Empr. au lat. astringens, part. prés. de astringere « resserrer », cont. méd. (CicéronNat. deor., 2, 136 ds TLL s.v., 901, 50); cf. PlineNat., 31, 98, ibid., 81.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 23.
BBG. − Bouillet 1859. − Duval 1959. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Littré-Robin1865. − Méd. 1966. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Mont. 1967. − Nysten 1824. − Privat-Foc. 1870.

lundi 10 juillet 2023

MOCHE, adj.

 Familier

A. − [L'appréciation est à dominance esthétique, en réf. à l'idée du beau]
1. [En parlant d'une pers.] Qui est desservi par son aspect physique, notamment par son visage. Synon. affreux, disgracieux, laid; anton. beau, joli, mignon.Femme moche; moche de visage; assez, plutôt, drôlement, rudement moche. Les couplets de la petite fille de Belleville (...) désespérée d'être «moche», ce qui la fait dédaigner du «photographe» (LéautaudThéâtre M. Boissard,t.1, 1926, p.29).V. foutu II A 1 ex. de H. Bazin:
1. Je ne la trouve pas aussi moche que tu me disais, Louis. Un peu décolorée, bien sûr! Mais de la classe. Cette figure un peu ronde comme l'ont les femmes de Syrie. ClaudelÉchange,1954, II, p.766.
− Emploi subst. Ils semblaient l'air bien content de trouver des moches et des infirmes dans notre arrivage (CélineVoyage,1932, p.279).
2. [En parlant d'une chose concr.] Qui a un aspect minable. Synon. laid, miteux, piteux; anton. beau, chic, chouette(fam.).Ton pardessus (...) est assez moche! Un pardessus de quinze cents francs! Vrai, tu n'as pas de goût. Il va falloir que je t'accompagne quand tu t'achèteras tes pelures (Montherl.J.filles,1936, p.992).V. bahut C 3 ex. de Queneau:
2. ...je regardais le nouveau drapeau qu'ils ont mis devant les bains. Ils auraient pu faire plus de frais. L'autre était assez miteux. Mais je crois vraiment que celui-ci est encore plus mocheProustSodome,1922, p.853.
− Emploi subst.masc. sing. à valeur de neutre (en cont. superl.). Il y avait des vierges en plâtre, du dernier moche, dans tous les coins de l'escalier (MalrauxEspoir,1937, p.588).
3. Qui est contrariant, ennuyeux. Synon. désagréable, fâcheux, pénible, triste; anton. bath (arg.), chic, chouette(fam.).Ce qui est moche, c'est que les feuilles tombent, les arbres sont presque à nu (Sain.Tranchées1915, p.75).Ce jour-là c'est vrai, je peux bien le dire, c'est un des plus moches de ma vie (CélineMort à crédit,1936, p.647).C'était déjà miracle que (...) la mignarde ait accepté des conditions de vie aussi moches (...). Bonne gosse, la Clairon! (H. BazinBarbe,1957, p.39).
B. − [L'appréciation est à dominance morale, en réf. à l'idée du bien]
1. [En parlant d'une pers.] Dont le comportement est moralement répréhensible. Synon. malhonnête, méprisable;anton. sympathique, sympa (fam.), bath (arg.), chic, chouette (fam.).[L'inspecteur, interrogeant dans son bureau, un inculpé:] Parle [dis tes secrets] et on sera pas trop moches avec toi (LeBretonRazzia,1954, p.107):
3. C'est sa formule quand un événement la dépasse et qu'elle n'arrive pas à comprendre les mobiles d'un coeur humain tellement les gens savent être moches et souvent mesquine leur conduite. «... Et dire que la terre tourne!...» CendrarsBourlinguer,1948, p.368.
2. [En parlant d'une chose] Qui inspire le mépris, la désapprobation. Synon. indigne, laid, mesquin, vil.Ce n'est pas d'une moche petite tentative de séduction qu'il s'agissait (BeauvoirInvitée,1943, p.305).Tout allait au plus mal dans le plus moche des mondes (CendrarsMain coupée,1946, p.82).
REM. 1.
Mochard, -arde, adj.(arg. fin xixeet début xxes.,pop. depuis). a) Pas très beau, pas trop joli. α) [En parlant d'une pers.]La pir' de tout's les catastrophes C'est d'êt' mochard et mal fringué (RictusSoliloques,1919, p.161). β) [En parlant d'une chose] Trois petits médaillons mochards, mais entourés de perles que le paternel avait assurées vraies (ButorPassage Milan,1954, p.201).b) Mauvais. [Le pain,on n'avait pas dû en manger d'aussi mochard pendant le siège(Bruant1901, pp.311-312).
2.
Mochement, adv. fam.De façon moche. Synon. laidement.C'était mochement compromis l'avenir et nos jolis rêves! Y avait plus beaucoup d'illusions! (CélineMort à crédit,1936, p.487).Sans qu'elle puisse parer, il la cogna mochement, à deux reprises (Le BretonRififi,1953, p.70).
Prononc.: [mɔ ʃ].  Étymol. et Hist. 1878 (d'apr. Esn.); 1880 (Larchey Suppl.). Mot d'arg. formé sur le verbe amocher*, dér. de moche «écheveau de fil non tordu, vendu par paquet de 10 livres» (Savary), var. de l'a. fr. moque «mie de pain» (ca 1223, Gautier de CoinciMiracles N.D., éd. V. F. Koenig, II Mir 24, 168) qui représente un a. b. frq. *mokka «masse informe» que l'on restitue d'apr. l'all. Mocke. FEW t.16, pp.562-563.  Fréq. abs. littér.: 107.
DÉR. 1.
Mocherie, subst. fém.,pop., vieilli. Laideur morale. Synon. saleté.L' danger, la fatigue, la mocherie de la guerre, c'était pas pour lui, pour les autres, oui (BarbusseFeu,1916, p.126).C'était une guerre! Autre chose que la mocherie d'à présent (GenevoixBoue,1921, p.59).En interj. Ah! mocherie! Malade ou pas malade, d'main matin j'aurai les fièvres(GenevoixSeuil guitounes,1918, p.4). [mɔ ʃ ʀi].   1resattest.1910 (d'apr. Esn.), 1916 (Barbusseloc. cit.). de moche, suff. -erie*.
2.
Mocheté, -ée, subst. fém.,pop. et fam. a) Caractère de ce qui est moche esthétiquement ou moralement. Synon. laideur, hideur; anton. beauté.En 1860, les bourgeois aimaient les fanfreluches; en 1930, on leur a appris à aimer l'austérité, c'est-à-dire la laideur toute nue, sans recours (...). Je préfère la mocheté travestie, croulant sous les ornements ridicules, à la mocheté sans masque (J. DutourdPluche,VII, 1967, p.62 ds Rob. Suppl. 1970).b) α)Personne laide, notamment une femme ou une jeune fille. Synon. laideron, horreur; anton. beauté.Quelle mocheté! Un tordu, Une mochetée, un raté Un bancal, un locdu En un mot un sale cogne (GelvalFables récits arg.,1945, p.9).− Viens-y. Une mocheté de ton calibre, je la crains pas (ArnouxZulma,1960, p.41). β) Chose laide, peu esthétique. On voyait maintenant les villas tout alentour... et tous les calibres!... Les coloris peu à peu... comme une vraie bagarre... qu'elles s'attaqueraient dans les champs, en fantasia, toutes les mochetées!... Les rocailleuses, les raplaties, les arrogantes, les bancroches... Elles carambolent les mal finies!... les pâles! les minces! les fondantes... Celles qui vacillent après la charpente!... C'est un massacre en jaune, en brique, en mi-pisseux (CélineMort à crédit,1936, p.553). [mɔ ʃte].   1resattest. a) 1926 mochetée «chose laide» (R.DieudonnéIsabelle au volant in Le Miroir des sports,3 févr., p.69a), b)1911 moch'té «personne laide» (G. CoutéLa chanson d'un gas qu'a mal tourné, t.4, p.131); de moche, suff. -(i)té*.
BBG. − Alessio (G.). Saggio di etimologie francesi. R. Ling. rom. 1950, t. 17, pp.186-187. _ Dauzat Ling. fr. 1946, 304. _Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromso/, 1972, p.219. _ Kohlm. 1901, p.50. _ Sain. Arg. 1972 [1907] p.54.