Littér. Solitude morale, en particulier par rapport à Dieu. L'angoisse de Gethsémani (...) la déréliction suprême (Bloy, Désesp.,1886, p. 237).Noël terrible. Tristesse énorme, croupissement de tristesse noire (...). Sensation d'une solitude, d'une déréliction effroyables (Bloy, Journal,1900, p. 45):
vendredi 30 décembre 2022
DÉRÉLICTION, subst. fém.
... à lui de nouveau le ponton sous ses pieds qui oscille et l'échelle au flanc noir des transatlantiques! à lui le quai pendant que le train s'ébranle (...)! À lui l'absence de nouveau revêtue et cette déréliction entre le buffet et la marchande de journaux comiques, ... Claudel, La Messe là-bas,1919, p. 498.
− P. méton., au plur., rare. Cas ou moment de solitude morale. Il [Jésus] a subi le délaissement de son père, l'abandon de Dieu, la sécheresse et le désert des dérélictions absolues : cette croix sur la croix, cette mort dans la mort (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 474).
Prononc. : [deʀeliksjɔ ̃]. Étymol. et Hist. 1ertiers du xvies. « abandon » (Fossetier, Chron. Marg., ms. Brux. 10511, VI, I ds Gdf.); 1606 philos. et relig. « état d'abandon moral » (St François de Sales, Œuvres complètes, pp. les religieuses de la Visitation d'Annecy, t. XIII, p. 200). Empr. au lat. class. derelictio « abandon ». Fréq. abs. littér. : 23.
dimanche 23 octobre 2022
TACT, subst. masc.
A. − Sens du toucher.
1. Vieilli. Sens du toucher qui sert à apprécier la solidité, la fluidité, l'humidité, la sécheresse, la température des corps.Reconnaître qqc. au tact; avoir un tact sûr. En passant à un chaînon plus élevé, nous avons vu le sens du tact se développer davantage, et des mouvements plus étendus se manifester pour aller chercher à quelques distances et choisir la nourriture (Broussais, Phrénol., 1836, leçon 3, p. 62).Les corpuscules du tact, répandus sur toute sa surface [de la peau], sont sensibles à la pression, à la douleur, à la chaleur, et au froid. Ceux qui sont placés dans la muqueuse de la langue sont impressionnés par certaines qualités des aliments, et aussi par la température (Carrel, L'Homme, 1935, p. 76).
2. Mod., PHYSIOL. Aspect du sens du toucher qui permet d'apprécier les divers stimuli mécaniques qui s'exercent sur la peau et les muqueuses (contact, pression, traction, etc.). Le tact est l'une des modalités de la sensibilité cutanée. Les récepteurs du tact répondent d'une manière spécifique aux stimulations mécaniques (Thinès-Lemp.1975).
3. Vx, rare. Synon. de contact.La neige qui fondait au tact du rayon rose (Lamart., Jocelyn,1936, p. 637).
4. Spécialement
a) ESCR. Var. de tac1(v. ce mot II B). Quand il y a écart de l'épée après la parade, la riposte doit partir de suite, ce qui s'appelle riposter du tact au tact (Embry, Dict. d'escrime, 1859ds Petiot 1982).
b) ÉQUIT. ,,Le tact équestre consiste à choisir les aides déterminantes et les aides régulatrices, à répartir entre elles la part d'action, de résistance ou de passivité qui revient à chacune, et enfin à faire intervenir l'effort au point voulu et au moment voulu`` (Féd. fr. sports équestres, Manuel, 1969, ibid.).
B. − Au fig.
1. Faculté de juger rapidement et avec sûreté, au moyen de l'intuition, sur de simples indices. Avoir le tact de ce qu'il faut dire, faire; manquer de tact. Lesquelles gens, lorsqu'ils racontent quelque chose qu'ils ont vu, font preuve d'observation, ont le tact des nuances (Goncourt, Journal, 1860, p. 776).
− Avoir le tact de + inf.Le comte Artoff s'est lié avec le duc, et, bien que Baccarat ait le tact de ne jamais accompagner son mari dans le monde, elle est reçue dans l'intimité à l'hôtel de Sallandrera (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 315).J'espère que vous aurez le tact de me débarrasser bientôt de votre présence (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 119).
− Tact littéraire, médical, poétique, politique. Que ne puis-je avoir eu (...) votre tact littéraire? (Lamart., Corresp., 1831, p. 146).
2. Appréciation intuitive, fine, mesurée et sûre en matière de convenances, de goûts, d'usages. Synon. décence, délicatesse, doigté, politesse, pudeur, savoir-vivre.Montrer, manifester, témoigner du tact; faire preuve de tact; agir avec tact; discours plein de tact; manque de tact; homme de tact; tact délicat, exquis, fin, infini, parfait; grand tact. La jeune fille blonde (...), désireuse sans doute de prévenir avec tact des questions qui lui eussent été désagréables(Proust, Fugit., 1922, p. 574):
Voilà pourquoi la morale n'est pas seulement un art, une question de tact et de délicatesse, une virtuosité de la conscience chez quelques privilégiés, une affaire de goût (...). C'est une science qui se développe d'âge en âge selon des lois, à mesure que s'établissent en fait et que sont reconnus par la réflexion les rapports réels et l'agencement des actions ordinairement solidaires. Blondel, Action, 1893, p. 284.
REM.
Tactum, subst. fam.a) Méd., peu us. ,,Nature d'une sensation, en tant que résultant de l'excitation d'un organe déterminé`` (Méd. Biol. t. 3 1972). b) Philos. Ce que l'on touche; la sensation tactile (...) considérée dans son contenu (Lal. 1968). Si je pense au tactum buccal qui correspond aux mots que je conçois, je l'imagine aussitôt (V. Egger,La Parole intérieure,1881,p. 78, ds Lal. 1968).
Prononc. et Orth.: [takt]. La prononc. a hésité quant aux cons. finales. Ac. 1740 et suiv.: ,,Le c est le t se prononcent.`` Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. [1376 « sens du toucher » (Modus et Ratio, éd. Blaze, fo25 vods Gdf. Compl.: est il homme qui ait le tact si soubtil comme l'areigne? [mais ds l'éd. G. Tilander, p. 60: le tast si soutil])], attest. isolée; à nouv. ca 1570 (A. Paré, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 1, p. 81b: le sentiment du tact); 2. 1903 pêche pêche de tact (Nouv. Lar. ill., s.v. pêche). B. 1. a) 1751 « jugement fin, sûr, en matière de convenances, d'usage du monde » (Ch. Duclos, Considérations sur les mœurs de ce siècle, p. 60: la politesse [...] exige un tact si fin, un sentiment si délicat sur les convenances); b) 1754 « faculté de juger rapidement » (Montesquieu, Corresp., p. 530: une grande finesse dans le tact); c) 1757 « appréciation intuitive de ce qu'il convient de dire ou de faire dans les relations humaines; délicatesse » (Diderot, Entretiens sur le fils naturel ds Œuvres esthét., éd. P. Vernière, p. 126: il y a un tactmoral qui s'étend à tout, et que le méchant n'a point); 2. 1810 méd. tact médical (J. Capuron et P.-H. Nysten, Nouv. dict. de méd. ds FEW t. 13, p. 30a). Empr. au lat.tactus « action de toucher; sens du toucher », dér. de tangere « toucher » (cf. tangent, tangible). Fréq. abs. littér.: 756. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 290, b) 1 032; xxes.: a) 1 251, b) 808. Bbg.Quem. DDL t. 32, 34.
ARÉOLE, subst. fém.
I.− ,,Petite aire, petite surface`` (Ac. 1835-1932); interstice.
A.− ANAT. Petits espaces que les faisceaux de fibres laissent entre eux dans certains tissus formant de petites cavités ou cellules. Les aréoles du derme.
B.− BOT. ,,Espace polygonal circonscrit par les nervures à la face infér. d'une feuille de Fougère à nervures anastomosées`` (Baillon t. 1 1876).
C.− ZOOL. ,,Petit espace entre les nervures des ailes; petite cellule de l'aile`` (Séguy 1967).
II.− Petite surface circulaire, colorée.
A.− ANAT. Aréole du mamelon. Surface circulaire colorée entourant le mamelon du sein chez la femme :
1. ... Thérèse admirait son père d'avoir conquis cette belle femme, qui passait pour difficile et qu'on savait riche, malgré les embarras où la mettait son désordre fou. Elle demanda à Jacques s'il ne trouvait pas la princesse très belle. Il lui reconnaissait une splendeur animale et une saveur de chair trop forte à son gré; il lui imaginait des seins marqués d'une grande aréole brune, un ventre de safran, de soufre et d'ocre et des jambes velues. A. France, Le Lys rouge,1894, p. 330.
2. ... sa mère avait été une femme de race inférieure et son origine restait douteuse. Sous un nez courbe, assez fin, on s'étonnait de lui voir des lèvres presque épaisses. Ses tout jeunes seins, très ronds, très petits et très séparés se couronnaient de grosses aréoles en boule : par là elle était fille du Nil. Louÿs, Aphrodite,1896, p. 166.
B.− BOT. ,,Se dit d'une tache circulaire à la surface d'un organe, par exemple celle qui occupe le fond de la corolle dans les Helianthemum guttatum ...`` (Baillon t. 1 1876).
C.− MÉD. Surface circulaire entourant une partie enflammée; en partic., boutons de la petite vérole, de la vaccine.
− P. anal., ASTRON. Cercle irisé qui entoure la lune, auréole.
DÉR. 1.
Aréolation, subst. fém.Biol. Disposition en aréoles dans un tissu quelconque. (1845, Besch.; de aréole* 2 b; suff. -ation, -tion*).
2.Aréolé, ée, adj.Bot. Qui porte des aréoles. Ponctuations, surfaces aréolées. (1838, Ac. Compl. 1842; de aréole* étymol. 2; suff. -é*).
PRONONC. : [aʀeɔl]. − Aréolation. Dernière transcription ds Littré : a-ré-o-la-sion. Aréolé. Dernière transcription ds DG: à-ré-ò-lé.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1611 anat. « petite aire, petite surface » (Andre du Chesne, Controverses magiques, 632 ds Quem.: cet art [la chiromancie] divise premièrement la paume de la main en certaines montagnettes, aréoles et lignes, puis à chaque aréole faict commander une planète); d'où 1. a) av. 1718 anat. (Dionis ds Trév. 1740 : [...] Le mammelon est environné d'un cercle qu'on appelle aréole); 1814-20 id. (Nysten : Aréole [...] cercle coloré qui entoure ... certaines pustules comme celles de la variole et de la vaccine); b) 1823 astron. (Boiste); 2. a) 1814-20 anat. (Nysten : Aréole [...] petits espaces que laissent entre eux les vaisseaux capillaires ou d'autres parties); b) 1845 bot. (Besch.). 2 empr. au lat. areola « petite surface », Pline, Epist., 5, 6, 20 ds TLL s.v., 503, 81 au sens de « cour d'une maison »; le sens 1 s'explique par une confusion avec auréole*.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 14.
BBG. − Baillon t. 1 1876. − Bouillet 1859. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Lar. méd. 1970. − Littré-Robin 1865 (et s.v. aréolé). − Méd. 1966. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Mots rares 1965. − Nysten 1824. − Privat-Foc. 1870. − Séguy 1967.
vendredi 7 octobre 2022
ÉPIGASTRE, subst. masc.
ANAT. Région médiane et supérieure de l'abdomen, comprise entre l'ombilic et le sternum. Douleur à l'épigastre.Synon. usuel creux de l'estomac; anton. hypogastre.La solidité du point d'appui, qui soutient, à l'épigastre, tous les efforts musculaires (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 2, 1808, p. 292).La vive sensibilité de l'épigastre et le resserrement des hypocondres (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 256):
... cette réflexion, une fois de plus, déterminait en Joseph une pénible sensation de constriction à l'épigastre, de malaise et même de nausée. Duhamel, Passion Pasquier,1945, p. 180.
Rem. On rencontre ds la docum. épigastralgie, subst. fém., méd. ou pathol. Douleur à l'épigastre (cf. A.-F. Chomel, Élémens de pathol. gén., p. 164, note 1 ds Quem. DDL t. 8).
Prononc. et Orth. : [epigastʀ ̥]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1539 (J. Canappe, 5elivre de la méth. thérapeutique, p. 78 ds Fr. mod. t. 19, p. 20). Empr. au gr. ε ̓ π ι γ α ́ σ τ ρ ι ο ν proprement « ce qui est au-dessus du bas-ventre », composé de ε ̓ π ι ́ (v. épi-) et de γ α σ τ η ́ ρ, γ α σ τ ρ ο ́ ς « ventre, estomac ». Fréq. abs. littér. : 49.
DÉR.
Épigastrique, adj.Relatif à l'épigastre. Région, artère, douleur épigastrique. Anton. hypogastrique.Une sensation de constriction physique au niveau (...) digestif (boule épigastrique) (Mounier, Traité caract.,1946, p. 233).− [epigastʀik]. Ds. Ac. 1762-1932. − 1reattest. 1654 (Th. Gelée, Anat. fr. en forme d'abrégé [augmentée du Traité des valvules] p. 153); de épigastre, suff. -ique*. − Fréq. abs. littér. : 25.
Littré :
- Terme d'anatomie. La partie supérieure de l'abdomen, laquelle s'étend de l'appendice xiphoïde jusqu'à deux travers de doigt de l'ombilic.
Le premier segment ventral des hexapodes.
mercredi 30 mars 2022
VERTU, subst. fém.
A. −
1. Vieilli. Courage physique ou moral; force d'âme, vaillance. Mâle vertu; vertu romaine. [Le parti] le plus nombreux admiroit la vertu et la fermeté d'une jeune vierge qui, libre de régner sur un vaste royaume avec le prince qu'elle aimoit, avoit préféré les ombres de la retraite et de la pénitence, à une puissance et à une félicité que la religion réprouvoit(Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 248).Ce fut sans doute avec une profonde sagesse que les Romains appelèrent du même nom la force et la vertu (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 246).
2. Absol. [Avec l'art. déf.] Disposition habituelle, comportement permanent, force avec laquelle l'individu se porte volontairement vers le bien, vers son devoir, se conforme à un idéal moral, religieux, en dépit des obstacles qu'il rencontre. Amour, triomphe de la vertu; aimer, appeler, pratiquer la vertu; croître, grandir en vertu; le vice et la vertu. La perfection de la volonté s'appelle la raison, la perfection de l'action est la vertu, virtus, action forte; car la vertu est force même avec la foiblesse physique (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 255).J'ai peur de n'avoir pas épuisé tous les moyens de persuasion pour ramener Dine dans le chemin de la vertu (Aymé, Vaurien, 1931, p. 230).
− [En allégorie, personnification de la vertu] La vertu succombant sous l'audace impunie, L'imposture en honneur, la vérité bannie (Lamart., Médit., 1820, p. 99).
3. Exercice de la vertu; la vertu telle qu'elle apparaît dans son expression, sa réalisation. Vertu angélique, austère; paré de toutes les vertus. Les maîtres pieux et zélés ne manquoient pas (...) au clergé de France pour former des ecclésiastiques à toutes les vertus de leur état (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 216).Le christianisme (...) changea la position relative qu'occupaient entre elles les vertus. Les vertus rudes et à moitié sauvages étaient en tête de la liste; il les plaça à la fin. Les vertus douces, telles que l'humanité, la pitié, l'indulgence, l'oubli même des injures, étaient des dernières; il les plaça avant toutes les autres (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1843, p. 45).
− Vertu + adj. ou déterm. indiquant le domaine, l'espèce d'actes auxquels elle s'applique.Vertus chrétiennes, civiles, privées, morales, sociales. Vertus cardinales. V. cardinal1II A 1.Vertus théologales*.
− Loc. proverbiale. Faire de nécessité vertu. V. nécessité II B 3.
− En partic., vieilli ou plais. [À propos d'une femme] Retenue, chasteté; fidélité conjugale. À Séville, à Cadiz et à Grenade, il y avait de mon temps des bohémiennes dont la vertu ne résistait pas à un duro [douro] (Mérimée, Lettres ctessede Montijo, t. 1, 1845, p. 135).La chasteté, pour la femme, est synonyme de vertu, comme pour l'homme la justice et le courage, car le milieu de l'homme est la cité, le milieu de la femme est la famille (Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 113).
♦ Femme de petite vertu. Femme de mœurs légères. À côté des salons de Mmede Staël, de MmeRécamier, de Mmede Condorcet à Auteuil, il s'en ouvrait d'autres, où l'on voyait se coudoyer des gens de toute origine et de toute culture, autour de Barras et d'Ouvrard ou des femmes de petite vertu qu'ils s'attachaient − la Tallien, la Fortunée Hamelin, la Joséphine de Beauharnais −, dont le déshabillé et le dévergondage servent aux anecdotiers pour caractériser l'époque directoriale (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 602).
♦ Dragon de vertu. V. dragon1A 1 b.
♦ Prix de vertu. Prix autrefois décerné à une jeune fille irréprochable; p. ext., reconnaissance des dons, des qualités de quelqu'un qui mérite d'être distingué. La commission chargée de l'examen des titres des concurrents qui se présentaient comme ayant droit au prix de vertu (...) a décidé à l'unanimité que le prix de dix mille francs serait accordé cette année au sieur Bernard-Augustin Atar-Gull, nègre, né sur la côte d'Afrique, âgé de trente ans et quelques mois(Sue, Atar-Gull, 1831, p. 37).L'historien n'a pas à délivrer des prix de vertu, à proposer des projets de statues, à établir un catéchisme quelconque; son rôle est de comprendre ce qu'il y a de moins individuel dans les événements (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 63).
♦ P. méton., souvent iron. Femme qui constitue un modèle de chasteté, de fidélité amoureuse. Je prends pour bonnes toutes ces vertus de Genève; c'est la ville où il y a le moins de maris trompés (Stendhal, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, p. 283).Minutello: Tu veux me mettre dans les bras d'une courtisane en chômage ou d'une boîteuse? Bartholomeo: Elle est mariée et son mari est un homme qui voyage. Minutello: Alors, cette fille doit être une jolie vertu(Salacrou, Terre ronde, 1938, I, 1, p. 143).Plais. Croyais-tu pas avoir trouvé une vertu le jour où tu me racolas dans un cabaret? (Huysmans, Marthe, 1876, p. 75).Moyenne(-)vertu. Femme (dont la vertu est) peu farouche. Il se trouvait (...) une assez nombreuse compagnie. Des moyennes-vertus, des filles d'Opéra (...) et une douzaine de jeunes gens du monde, brillants par leur esprit, leurs prodigalités, ou leur débauche (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 290).(Dame, demoiselle, femme) de petite vertu. Il y avait, aux alentours de l'école de médecine, un certain nombre de « demoiselles de petite vertu » qu'il connaissait(Martin du G., Devenir, 1909, p. 106).
4. [En représentation symbolique dans l'art chrét.] Les Vertus cardinales assises soutenoient le lutrin triangulaire(Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 285).Le surcot d'hermine que porte la justice est bordé de roses et de perles. Notre vertu a le front ceint d'une couronne ducale, ce qui a pu laisser croire qu'elle reproduisait les traits d'Anne de Bretagne(Fulcanelli, Demeures philosophales, t. 1, 1929, p. 195).
5. P. ext. Qualité morale. Vertus civiques, domestiques, militaires. Sous la surveillance d'une maîtresse dont la principale vertu est la sévérité (Alain, Propos, 1921, p. 240).Roland Alexandre a toutes les vertus qui font le grand comédien (Combat, 19-20 janv. 1952, p. 2, col. 2).
B. −
1. Vieilli ou littér. Propriété d'un corps, de quelque chose à quoi on attribue des effets positifs. Vertus d'une plante; remède sans vertu; avoir des vertus; connaître la/les vertu(s) de. Cette eau a des vertus particulières. Prise pendant neuf jours, elle guérit les yeux des petits enfans (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 37).Les vertus curatives et préventives des fruits frais (R. Schwartz, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p. 74).
− En partic., vx, SC. Vertu active. Principe agissant, pouvoir actif (d'apr. Rob. 1985). On avait récemment, au moyen de la distillation, tiré du haschisch une huile essentielle qui paraît posséder une vertu beaucoup plus active que toutes les préparations connues jusqu'à présent (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 353).
2. Domaine abstr.Pouvoir, propriété. Vertu d'un dialogue. Le temps n'a par lui-même aucune vertu effective; tout arrive dans le temps, mais rien ne se fait par le temps (Proudhon, Propriété, 1840, p. 202).Quand on fixe une heure à une femme, c'est sans y croire, c'est plutôt une heure qu'on se fixe à soi-même: on se dit qu'on n'aura à souffrir qu'à partir de ce moment-là. Voilà la vertu consolative du rendez-vous, du rendez-vous auquel elles ne se rendent pas (Morand, Homme pressé, 1941, p. 222).
3. Loc. En vertu de
a) Par le pouvoir de. La poursuite peut avoir lieu en vertu d'un jugement provisoire ou définitif, exécutoire par provision, nonobstant appel (Code civil, 1804, art. 2215, p. 406).
b) En raison de, conformément au pouvoir de; en conséquence de. En vertu des pouvoirs qui me sont conférés; en vertu des bons principes. Une planète, qu'on suppose lancée dans l'espace en un instant donné, avec une vitesse et suivant une direction déterminée, parcourt, autour du soleil, une ellipse, en vertu d'une force dirigée vers cet astre, et proportionnelle à la raison inverse du carré des distances (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 175).La faillite de Fendant et de Cavalier rendait leurs billets exigibles en vertu d'une des dispositions du Code de commerce (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 526).
C. − RELIG. Un des cinquièmes choeurs de la hiérarchie des anges. Il y a trois hiérarchies d'esprits célestes (...) la première comprend les Séraphins (...) la deuxième, les Dominations, les Vertus et les Puissances (A. France, Révolte anges, 1914, p. 101).Il existe des natures spirituelles; telles que les anges, les archanges et les autres vertus célestes et aussi notre âme (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 100).
Prononc. et Orth.: [vε ʀty]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Fin xes. vertud « pouvoir » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 376); 1643 faire vertu « exercer une certaine influence » (Corneille, Menteur, IV, 1); 2. ca 1100 « force physique, vaillance » (Roland, éd. J. Bédier, 1045); 3. ca 1145 « pratique du bien, force morale appliquée à suivre la règle » (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 617). B. 1. Ca 1145 « telle ou telle qualité particulière » (Id., ibid., 1241); ca 1265 « qualité portée à un degré supérieur » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, II, 87, p. 269); 2. a) 1170 plur. théol. « un des ordres de la hiérarchie céleste » (Maurice de Sully, Sermons, éd. C. A. Robson, 23, 39, p. 136); b) ca 1275 sainte vertu (de Dieu) (Adenet le Roi, Enfances Ogier, éd. A. Henry, 368, p. 71); 1279 vertus cardinales, v. cardinal; c) 1370-72 vertus intellectuelles (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, 36a, p. 169); 3. a) 1642 « femme vertueuse » (Corneille, Polyeucte, II, 4); 1677 « chasteté féminine » (Racine, Phèdre, II, 6); 1732 (femme) de moyenne vertu (Lesage, Guzm. d'Alf., II, 6 ds Littré); 1909 demoiselle de petite vertu (Martin du G., Devenir, p. 91); b)1810 encre de la petite vertu « de mauvaise qualité » (Courier, Lettre à M. Renouard, p. 261); 4. 1832 « représentation symbolique d'une vertu chrétienne » (Raymond); 5. 1876 « nom donné pendant la révolution de 1789 aux figures remplaçant les dames dans les jeux de cartes » (Lar. 19e). C. 1. Ca 1150 « qualité propre à produire tel ou tel effet » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1113); 1270 « propriété d'une chose » (Philippe de Beaumanoir, Manekine, 2238 ds Œuvres, éd. H. Suchier, t. 1, p. 71: Des bonnes pieres ki i sont et des vertus qu'elles ont); xiiies. les vertus des herbes« principe, pouvoir actif » (Queste del Saint Graal, éd. A. Pauphilet, 220, 11); 2. 1659 en vertu de (Duez, Dict. ital. e françois). Du lat. virtutem, acc. de virtus « qualité distincte de l'homme, mérite, valeur », « qualités morales », « vigueur morale, énergie », « bravoure, courage, vaillance ». Fréq. abs. littér.: 11 874. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 26 421, b) 11 804; xxes.: a) 11 527, b) 14 694. Bbg. Quem. DDL t. 28 (s.v. de la petite vertu). − Sckomm. 1933, pp. 124-130.
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