dimanche 12 décembre 2021

OPÉRATION, subst. fém.

 Action d'une puissance, d'un pouvoir qui produit un effet physique ou moral. Les opérations de Dieu; les opérations de la grâce; les opérations de la nature (Ac.). Mais les plus sages (...) estimaient qu'une telle beauté de chair relevait de l'opération du diable (A. France,Puits ste Claire,1895, p.130).Ces opérations mystérieuses, dans lesquelles l'action divine s'ajuste, avec une admirable dextérité, au tempérament, à la formation, aux dispositions acquises de ceux qu'elle veut charmer (Bremond,Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.340).

1. Il y a dans le fait de photographier un visage une sorte d'opération magique. La raison pour laquelle si peu de photographes reproduisent un visage (...) est qu'ils ne le connaissent pas. Green,Journal,1956, p.185.
− RELIG. Opération du Saint-Esprit. ,,Moyen mystérieux par lequel le Saint-Esprit agit, opère`` (Marcel 1938). L'ange du Seigneur a annoncé à Marie, et elle a conçu par l'opération du Saint-Esprit (Borel,Champavert,1833, p.56):
2. Pour correspondre à cette grande action de l'Esprit-Saint dans mon âme, j'ai besoin : 1) de la purifier aussi parfaitement que possible; 2) de l'orner des vertus; 3) de la fortifier, de l'élever en toute manière. −Qui fera ces choses? Encore l'Esprit-Saint: sanctificator omnipotens. −Ces trois opérations de l'Esprit-Saint, c'est le jour de mon sacre qu'elles s'accompliront principalement. Dupanloup,Journal,1851-76, p.109.
♦ Fam., iron. Par l'opération du Saint-Esprit. Par un moyen mystérieux. Cinq minutes après, plus de Bouvard: effacé de la surface du monde. Sans les traces de patins devant la porte, on aurait pu croire que Mme Tim avait été transportée ici par la fameuse opération du Saint-Esprit (GionoOEuvres romanesques compl., t.3, Roi sans divertiss., Paris, Gallimard, 1974 [1947], p.586).
B. − 
1. Action ou série d'actions organisées en vue d'atteindre un but donné, d'obtenir un résultat déterminé. Opération manuelle, mécanique; opération chimique, pharmaceutique, technique; opération de battage, de blanchissage, de chargement; une opération de sauvetage; les opérations électorales. Pour transférer les morts d'un tombeau dans un autre, il faut les reconnaître, et la famille seule peut autoriser cette opération (Dumas filsDame Cam.,1848, p.47).Pour toutes ces opérations, il fallait du personnel et l'on était toujours à la veille d'en manquer. Beaucoup de ces infirmiers et de ces fossoyeurs d'abord officiels, puis improvisés, moururent de la peste (Camus,Peste,1947, p.1360):
3. ... c'est probablement ainsi, en faisant luire à ses yeux les résultats d'une magnifique opération de carambouillage (...) que j'avais dû arriver à convaincre Korzakow de m'accompagner à Anvers...Cendrars,Bourlinguer,1948, p.71.
− ÉCON., COMM. ,,Tout acte par lequel une unité économique manifeste sa participation à la vie économique`` (Bern.-Colli 1981). Opération financière, monétaire; opérations de trésorerie; opérations sur biens et services:
4. Le quotidien américain Wall Street Journal annonce que la France fait aux États-Unis certaines opérations commerciales sur la base du «troc» à un taux de change qui équivaut à une «dévaluation partielle» du franc. Le Monde,19 janv. 1952, p.1, col.2.
♦ Opération (de banque). Tout acte juridique auquel donne lieu le commerce des banques (d'apr. Cap. 1936).
♦ Opération (de bourse). Acte qui consiste à acheter ou à vendre des valeurs mobilières ou des marchandises dans une bourse de valeurs ou de marchandises. Opération spéculative; commission des opérations de bourse. Un repli technique à la veille des opérations de fin de mois serait d'ailleurs aussi logique qu'utile (Le Monde,19 janv. 1952, p.11, col.1).On peut (...) distinguer deux grandes catégories d'opérations: le comptant et le terme (Romeuft.21958).
2. En partic.
a) Activité d'une fonction physiologique. Voilà de quelles opérations la déglutition se compose dans l'homme; mais on n'en trouve pas autant dans tous les animaux (Cuvier,Anat. comp., t.3, 1805, p.201).Il décrit les opérations des sens, et, particulièrement, celles de la vue (Ozanam,Philos. Dante,1838, p.229).C'est dans l'unité d'un «je peux» que les opérations de différents organes apparaissent équivalentes (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception,1945, p.363).
b) Activité d'une fonction psychique. Une opération de la mémoire, de l'intelligence; les opérations de l'entendement.Les opérations mentales sont certainement en nombre fini et petit (Valéry,Corresp. [avec Gide], 1899, p.356).[L'école académiquea considéré la composition en peinture (...) comme une opération de l'esprit traduite par des moyens picturaux ce qui est exact (Mauclair,De Watteau à Whistler,1905, p.67).
− PSYCHOL. [chez J. Piaget] ,,Action intériorisée (c'est-à-dire pensée et non pas simplement agie) et réversible qui peut être coordonnée à un ensemble`` (Foulq. 1971).
− MATHÉMATIQUES
♦ Processus de nature déterminée permettant de déduire d'éléments d'un seul ensemble ou de plusieurs ensembles un élément d'un nouvel ensemble. Opération algébrique; faire, effectuer une opération. L'addition, la soustraction, la multiplication et la division sont appelées les quatre opérations (Ac.1935).Toute opération mathématique que l'on exécute sur une quantité donnée implique la permanence de cette quantité à travers le cours de l'opération(Bergson,Essai donn. imm.,1889, p.121).V. opérande ex. de scom Informat. 1977.
♦ Opération logique ou opération booléenne. ,,Détermination de la valeur d'une relation liant plusieurs variables binaires`` (Phél. Ling. 1976). Les opérations logiques sont: l'identité, la négation, la conjonction, ou exclusif, ou inclusif, la non disjonction, l'inclusion, la non conjonction (Guilh.1969).De même que nous pouvons écrire les opérations arithmétiques en équation, nous pouvons aussi écrire en équation les opérations logiques qui font usage de la logique mathématique (Berkeley,Cerveaux géants,1957, p.64).
C. − 
1. Domaine milit.Ensemble de mouvements stratégiques ou de manoeuvres tactiques d'une armée en campagne, exécutés en vue d'atteindre un objectif donné. Opération aéroportée, amphibie; opération de diversion; opération défensive, offensive; opération coup de poing; ordre, plan d'opérations; avoir, prendre l'initiative des opérations; secteur, théâtre d'opérations; être en opération. [Le général Murat] a eu une grande part dans toutes les opérations militaires du temps (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.359).Ce demi-échec de notre action en Haute-Alsace compromettait sérieusement la suite des opérations de la 1rearmée (Joffre,Mém., t.1, 1931, p.254).
♦ Base d'opération(s). Base où sont rassemblés le personnel, le matériel et les moyens logistiques destinés aux opérations. (Dict. xxes.).
♦ Ligne d'opération. V. ligne I D 3 a.
♦ Salle d'opération. Salle où sont centralisées toutes les informations concernant les mouvements des troupes en campagne, et d'où sont diffusés tous les ordres adressés aux forces en opérations. (Dict. xxes.).
− Opération + subst. ou syntagme apposé (nom de code).Opération Overlord. Ce plan exige évidemment que nous mettions d'abord la main sur Djibouti par une opération préliminaire, dite opération «Marie» (De Gaulle,Mém. guerre,1954, p.353).
− P. anal. Je ne veux pas qu'on me croie capable de favoriser une opération de police (Bernanos,Crime,1935, p.762).Ces deux gamins, qui semblaient participer à une opération de police contre quelque collaborateur, savaient sûrement à quoi s'en tenir sur sa personne (Aymé,Uranus,1948, p.31).
2. P. ext. Ensemble de mesures prises en vue d'atteindre un résultat précis dans un domaine quelconque. Nous avons exigé l'élimination «définitive» de tous les responsables ou bénéficiaires de l'opération du 13 décembre (L'OEuvre,17 févr. 1941).
− Opération + subst. ou syntagme apposé (précisant le but, le genre, la méthode de l'opération).Opération portes ouvertes. Le célèbre livre de Renaud de Jouvenal (...) L'Internationale des traîtres, livre au sujet duquel s'ouvre le 4 février un procès dont la presse américaine veut faire une nouvelle opération Kraschenko (L'Humanité,19 janv. 1952, p.3, col.6).Très vite, il [Rocardest apparu pour les Français comme le numéro deux du parti. D'où une opération anti-Rocard qui a mobilisé pas mal d'énergie dans la direction et dans la minorité (Le Nouvel Observateur,23 févr. 1976):
5. Opération Castor, opération Bifteck, et, pas plus tard qu'hier, opération «Compagnes de la nuit». Opération... C'est le nouveau passe-partout (...). En attendant, pour qu'on ne sache plus du tout de quoi on parle, pourquoi ne dirait-on pas: opération Vitesse (Éverest ou mur du son?); opération Monseigneur (fric-frac ou révolte d'évêque?); et opération Adultère, ou l'opéré serait le cocu? Veut-on réduire de moitié le vocabulaire national?...Combat,25 nov. 1953, p.1, col.7.
D. − MÉD. Intervention chirurgicale pratiquée sur l'organisme vivant dans un but thérapeutique, préventif, esthétique ou expérimental. Salle d'opération; pratiquer une opération; soumettre qqn à une opération; opération délicate, dangereuse; tenter, réussir une opération. Elle avait du sang à l'angle de ses lèvres charmantes. Pourquoi? Elle venait de subir une opération douloureuse (Amiel,Journal,1866, p.194):
6. Quant à la chirurgie, elle a pour but d'enlever la vésicule avec les calculs. Mais cette opération radicale a aussi l'intérêt de permettre l'exploration radiologique sur la table d'opération des autres voies biliaires... Quillet Méd.1965, p.148.
♦ Table* d'opération.
− P. métaph. Une grande opération chirurgicale avait vidé la nation de tout ce que les Espagnols appelaient son mauvais sang (Taine,Philos. art t.2, 1865, p.42).
Prononc. et Orth.: [ɔpeʀasjɔ ̃]. Ac. 1694 et 1718: operation; dep. 1740: opération.  Étymol. et Hist. 1. Fin xiiies. sainte operation «activité sacrée» (Hist. Job., éd. J. Gildea, 290); 2. ca 1350 opération «action d'un pouvoir qui produit un effet» (Gilles Li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t.2, p.94); spéc. 1370-72 opération de dieu (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p.527, 214b); 1508 par l'operation du benoist Sainct Esperit (Menot, Sermons, éd. J. Nève, p.178); 1874 fig. (Lar. 19e); 3. 1314 chir. operation (Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. Bos, no562); 4. 1557 math. (Bassantin, Astronomique discours, p.258); 1631 chim. «série d'actes, supposant réflexion et combinaison de moyens en vue d'obtenir un résultat déterminé» (Guez de Balzac, Le Prince, p.187); 5. 1701 milit. (Fur.); 1952 opération + subst. (L'Humanité, loc. cit.); 6. 1770 «plans combinés, desseins en voie d'exécution (dans le domaine des finances)» (Voltaire, Lettre à d'Argental, 26 mars, Corresp., éd. L. Moland, t.15, p.30); 1784 opérations (de banques) (Necker, De l'administration des finances de la France ds OEuvres compl., t.4, p.223). Empr. au lat. operatio, -onis «ouvrage», att. en lat. chrét. «action, actes» (fin vies. ds Blaise Lat. chrét.), philos. «effet» (ibid.), «opération divine» (début ves., ibid.), «opération du Saint Esprit» (début ves., ibid.) et en lat. médiév. comme terme d'alchim. (av. 1235 ds Latham); operatio est formé sur operatus de operari, v. opérer.  Fréq. abs. littér.: 5476. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7808, b) 3802; xxes.: a) 5103, b) 11520.  Bbg. Quem. DDL t.8, 10.

ARCANE, subst. masc.

A.− ALCHIM., au sing. et au plur. Opération secrète; secret de fabrication. Initier aux arcanes du grand œuvre :

1. Les Arabes, admirables précurseurs, médecins et physiciens hors ligne, chimistes pleins de mérite, servirent l'« art hermétique » en dévoilant ses arcanes et en s'efforçant de le dépouiller de ses obscurités qui le rendaient parfois inintelligible. M. Caron, S. Hutin, Les Alchimistes,1959, p. 118.

− P. métaph. :

2. ... il [le cafetier] m'a dit que le lait n'arrivait qu'à six heures; alors je lui ai appris comme quoi de savantes religieuses avaient trouvé qu'on peut le remplacer par un jaune d'œuf. Ce grand arcane n'avait point encore pénétré jusqu'à Châteauroux. Stendhal, Mémoires d'un touriste,t. 1, 1838, p. 362.

3. À Charles Baudelaire. Croisset, mercredi soir 21 octobre 1857. Je vous remercie bien, mon cher ami. Votre article m'a fait le plus grand plaisir. Vous êtes entré dans les arcanes de l'œuvre, comme si ma cervelle était la vôtre. Flaubert, Correspondance,1857, p. 229.

− P. méton. Corps fabriqué à l'aide d'un secret de fabrication.

− Spéc., CHIM., vx. Nom donné à divers oxydes ou sels métalliques. Arcane corallin. Oxyde rouge de mercure. Arcane double. Sulfate de potassium.

Rem. L'emploi adj. « (qui est) secret comme un procédé de fabrication réservé aux initiés » est un archaïsme :

4. Tous ces voyageurs-constructeurs [des cathédrales], ces transporteurs de méthodes et de recettes d'art étaient donc aussi des instruments d'échange, − mais primitifs, personnels et d'ailleurs jaloux de leurs secrets, et tours de main. Ils gardaient arcane ce qu'une époque d'intense culture tend à répandre le plus possible, et peut-être, à trop répandre. Valéry, Regards sur le monde actuel,1931, p. 238.

B.− P. ext. (surtout au sing.). Secret dont la pénétration est réservée à un petit nombre d'initiés.

1. HIST. ECCL. Discipline de l'Arcane. ,,Règle de l'Église primitive (jusqu'au viesiècle) consistant (...) à cacher une partie de sa foi et de son culte (mystères, sacrements, messe) à ceux qui n'étaient pas encore baptisés et initiés ...`` (Marcel 1938).

2. Littér. Synon. noble de mystère ou de secret :

5. [Le vieillard, au peintre] : − (...) Vous dessinez une femme, mais vous ne la voyez pas! Ce n'est pas ainsi que l'on parvient à forcer l'arcane de la nature. Balzac, Le Chef-d'œuvre inconnu,1831, p. 9.

6. La langue philosophique avait trop d'arcanes pour moi et je ne saisissais pas l'étendue des questions que les mots peuvent embrasser;... G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 365.

7. Une des choses les plus comiques de ce temps, c'est l'arcane théâtral. On dirait que l'art du théâtre dépasse les bornes de l'intelligence humaine, et que c'est un mystère réservé à ceux qui écrivent comme les cochers de fiacre. Flaubert, Correspondance,1874, p. 132.

− En partic., au plur. [En parlant des secrets de la nature] Soumis à l'investigation scientifique :

8. Au début du xxesiècle, quelle confusion régnait quand on essayait de pénétrer dans les arcanes de la pathologie du rein! Ce que la France a apporté à la méd. dep. le début du XXes.,1946, p. 199.

Rem. Le genre fém. du subst. est rare; dans l'ex. suiv. il est dû à l'analogie (sans doute voulue) de archives, dont le mot a le sens :

9. Au Vatican, n'y a-t-il plus rien dans les arcanes secrètes? E. et J. de Goncourt, Journal,1864, p. 83.

PRONONC. : [aʀkan].

ÉTYMOL. ET HIST. A.− Subst. 1. a) début xives. « secret, opération mystérieuse » (R. de Pise, Marco Polo, ch. XCV ds Gdf. Compl. : Et est establie en tel maniere que l'en puet bien dire que le grant sire ait l'arquenne parfaitement et selon raison); fin xives. « id. » archane (O. de Saint-Gelays, 6oLiv. de l'Enéide, 49 v. [1540] ds Quem.); d'où b) 1631 alchim. « préparation mystérieuse qu'utilisaient les alchimistes » (Les 14 Livres des Paragraphes de Paracelsus, 3, ibid. : Quelles sont la podagre, l'epilepsie, la paralisie, l'hidropisie, la verolle, et la lepre, d'autant que les Arcanes ou formes extraites de leur masse corpelle); c) 1938 hist. eccl. (Marcel, supra); 2. 1751 chim. arcane corallin (Encyclop. t. 1 : Arcane corallin. C'est le précipité rouge adouci par l'esprit de vin); 1763 id. arcane double (Pharmacopée de Lemery, 16 et Table [1751, Encyclop. arcanum duplicatum]); 1803 technol. (Boiste). B.− Adj. 1504 « secret » (Lemaire, Temple d'honn. et de vertu ds Gdf. Compl. : Lesquelz ... se prosternerent devotement en terre, louans la divine clemence qui leur avoit permys la fruition des choses si haultaines et si archanes); qualifié de ,,vx`` par Rob. A empr. au lat. arcanum, plur. arcana, au sens 1 a, Virgile, Den., I, 262 ds TLL s.v. arcanus, 436, 76; sens 1 c, Ovide, Met., 7, 256, ibid., 437, 76; en relat. avec la relig. chrét. : Tertullien, Praescr. 22 ds Blaise; 2 dér. de 1; B empr. au lat. arcanus « secret » Cicéron, Fin. 2, 85 ds TLL s.v., 434, 77.

STAT. − Fréq. abs. littér. : 84.

BBG. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Deux mots d'étymologie. Vie Lang. 1956, p. 497. − Duval 1959. − Foi t. 1 1968. − Littré-Robin 1865. − Marcel 1938. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Nysten 1824. − Plais.-Caill. 1958. − Spr. 1967. − Timm. 1892.

mercredi 17 novembre 2021

ANATOMIE, subst. fém.

 MÉDECINE

A.− Dissection d'un corps organisé en vue d'en étudier la structure :
1. L'anatomie des coquillages est très-délicate, et offre des difficultés insurmontables. Voyage de La Pérouse,t. 4, 1797, p. 124.
2. Qui eût osé soutenir que la chenille, avec ce luxe pesant d'organes digestifs qu'elle traîne et ses grosses pattes velues, fût même chose qu'un être ailé, éthéré, le papillon? Il [Swammerdam] osa dire, et montra par la plus fine anatomie, que chenilles, nymphes et papillons, c'étaient trois états du même être, trois évolutions naturelles et légitimes de sa vie. J. MicheletL'Insecte,1857, p. 99.
1. En partic. Dissection en vue de l'enseignement ou de la recherche médicale. Amphithéâtre d'anatomie, leçon d'anatomie :
3. Les hommes à collerette et à grand chapeau noir rapprochent leurs têtes autour d'une table, comme dans la Leçon d'anatomieP. MorandNew-York,1930, p. 8.
♦ Pièce, préparation d'anatomie. Partie d'un corps disséqué de manière à pouvoir être conservé en vue de l'enseignement ou de la recherche; p. ext., son imitation en plâtre, en cire, etc. :
4. Pendant que j'observais les pièces d'anatomie, Mmede Sesanne était restée à quelque distance de moi, appuyée sur un autel antique formé tout entier de débris humains. V. de JouyL'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 2, 1812, p. 365.
5. Les crabes avaient mangé l'homme, la pieuvre avait mangé les crabes. Il n'y avait près du cadavre aucun reste de vêtement. Il avait dû être saisi nu. Gilliatt, attentif et examinant, se mit à ôter les crabes de dessus l'homme. Qu'était-ce que cet homme? Le cadavre était admirablement disséqué. On eût dit une préparation d'anatomie; toute la chair était éliminée; pas un muscle ne restait, pas un os ne manquait. V. HugoLes Travailleurs de la mer,1866, p. 382.
♦ Cabinet d'anatomie. Lieu où l'on conserve en vue de l'enseignement ou de la recherche des collections de pièces d'anatomie :
6. De même que la vue d'un cabinet d'anatomie, où les maladies infâmes sont figurées en cire, rend chaste et inspire de saintes et nobles amours au jeune homme qu'on y mène; de même la vue de la conciergerie et l'aspect du préau, meublé de ces hôtes dévoués au bagne, à l'échafaud, à une peine infamante quelconque, donnent la crainte de la justice humaine à ceux qui pourraient ne pas craindre la justice divine, (...). H. de BalzacSplendeurs et misères des courtisanes,1848, p. 521.
♦ Planche, table d'anatomie. Image, représentation d'une pièce ou d'une préparation d'anatomie :
7. L'analyse doit toujours précéder la synthèse; mais de l'analyse à l'œuvre d'art il y a toute la différence qui est entre une planche d'anatomie et une statue. Tout le travail préparatoire doit être résorbé; il doit devenir invisible encore que toujours présent. A. GideJournal,1923, p. 771.
− P. méton. Ce qui est saisi ou connu par la dissection.
a) Structure d'un organe ... :
8. Quoique l'anatomie des plantes marines nous soit encore inconnue, il est certain qu'elles sont harmoniées avec toutes les puissances de la nature. J.-H. Bernardin de Saint-PierreHarmonies de la nature,1814, p. 184.
b) Le corps en tant qu'il est disséqué ou analysé.
− Vx. Squelette :
9. Le Tyran vint, quand il fit grand jour, avec un garçon de ferme pour chercher le chariot. Il heurta du pied la carcasse du loup à demi rongé et vit entre les brancards, sous les harnais, que les crocs ni les becs n'avaient entamés, l'anatomie de la pauvre bête. T. GautierLe Capitaine Fracasse,1863, p. 174.
− P. ext., et parfois iron. Forme, aspect extérieur d'un corps.
♦ [En parlant d'une pers.] :
10. Puis revenant à l'obsession académique, il se dit et ses lèvres en remuèrent : « Quand je pense que j'en ai vu au moins quinze tout nus, et que je n'ai que quatorze voix!... Quel peut bien être le quinzième? » Parmi les anatomies qu'il avait eues devant lui, les dos arrondis piquetés de vieux points noirs, les gros ventres surplombant un reste de toison blanche, il cherchait le traître. M. DruonLes Grandes familles,1948, p. 29.
11. D'ailleurs je me voyais si mal enceinte avec le corps mince et dur que j'avais... pour une fois, je me félicitais de mon anatomie d'adolescente. F. SaganBonjour tristesse,1956, p. 138.
♦ [En parlant d'un animal] :
12. Il arrive tout à coup des rafales hurlantes pleines d'anatomies merveilleuses. Ce sont des têtes d'alligators sur des pieds de chevreuil, des cous de cheval terminés par des vipères, des grenouilles velues comme des ours, des hiboux à queue de serpent, ... G. FlaubertLa Tentation de saint Antoine,1856, p. 599.
♦ En partic. dans la lang. des B.-A. :
13. Le surlendemain, dès huit heures, Pellerin vint lui faire visite. Il commença par des admirations sur le mobilier, des cajoleries. Puis, brusquement : − « Vous étiez aux courses, dimanche? » − « Oui, hélas! » Alors, le peintre déclama contre l'anatomie des chevaux anglais, vanta les chevaux de Géricault, les chevaux du Parthénon. G. FlaubertL'Éducation sentimentale,1869, p. 17.
14. Ce modèle a une belle anatomie : se dit d'un modèle vivant bien proportionné. HuguesExpressions d'atelier.
2. Au fig. Analyse méthodique et subtile :
15. Descartes, Malebranche, Pascal ont cherché les définitions du travail de la pensée, mais Kant et d'autres philosophes allemands cherchent l'anatomie, la dissection de la pensée. A. de VignyLe Journal d'un poète,1847, p. 1251.
16. Il est bien étrange que ce soit nous, entourés, encombrés de tout le joli du xviiiesiècle, qui nous livrions aux plus sévères et presque aux plus répugnantes études du peuple; que ce soit nous, chez lesquels la femme a si peu d'entrée, qui fassions de la femme l'anatomie la plus sérieuse, la plus creusée, la plus intime. E. et J. de GoncourtJournal,1864, p. 50.
Rem. Syntagmes rencontrés anatomie d'une passion, d'un sentiment; anatomie de l'âme, − psychologique.
B.− P. méton. Science qui a pour objet l'étude de la structure et de la morphologie des êtres vivants et en particulier de l'homme :
17. Les progrès de l'anatomie furent très lents, non seulement parce que des préjugés religieux s'opposaient à la dissection des cadavres, mais parce que l'opinion vulgaire en regardait l'attouchement comme une sorte de souillure morale. A. de CondorcetEsquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain,1794, p. 67.
Rem. Quelques syntagmes anatomie comparée, descriptive, humaine, pathologique; anatomie du cerveau, de la facecours, leçons d'anatomie.
Prononc. : [anatɔmi]. D'apr. Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787, la syllabe finale est longue. Gattel 1841 transcrit l'avant-dernière syllabe avec [o] fermé. Enq. : /anatomi/.
Étymol. ET HIST. − 1. 1370 « étude de la structure des organes par leur dissection » (OresmeEth., 29 ds Gdf. Compl. : Et en ont un livre que il appellent anatomie); 2. p. ext. 2emoitié xves. « squelette » (Nouv. Fabr. des excell. traits de verité, p. 41, ibid. : Entre lesquelles estoit un vieil homme, grand et sec comme une anatomie); 3. 1569 fig. « examen minutieux, analyse » (CalvinSermon sur le livre de Job, 115 ds Hug. : Si on eust fait quelque anatomie de son cœur, et sondé ou espluché là dedans tout ce qui y estoit ... on n'y eust trouvé nulle hautesse secrette). Empr. au b. lat. anatomia attesté au sens de « dissection » dep. Caelius AurelianusAcut., 1, 8, 57 ds TLL s.v.; bien attesté en lat. médiév., Mittellat. W. s.v.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 536. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 827, b) 1 563; xxes. : a) 445, b) 467.
BBG. − Archéol. chrét. 1924. − Bouillet 1859. − Forest. 1946. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Husson 1970. − Laf. Suppl. 1878. − Lar. méd. 1970. − Le Roux 1752. − Littré-Robin 1865. − Méd. 1966. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Nysten 1824. − Pollet 1970.

lundi 15 novembre 2021

OFFICE, subst. masc.

I. − [Ce qui est accompli par obligation morale ou sociale]

A. − Vieilli ou littér.

1. [Gén. suivi d'un adj. ou d'un compl. déterminatif précisant la nature du devoir ou la circonstance dans laquelle on doit l'accomplir] Devoir (v. ce mot B 1). Tous les offices de la vie civile (Ac. 1798, 1878). C'est l'office d'un bon père, d'un bon fils, d'un bon mari, d'un bon citoyen (Ac. 1935). Le bourgeon [de la vanité] est donc, à tout prendre, un triste conseiller, un pitoyable maître; et, s'il n'est possible de l'extirper jusqu'à la racine, au moins est-ce l'office de l'homme de sens que de le refouler sans cesse, et d'en arrêter les pousses à mesure qu'il les voit poindre (Toepffer,Nouv. genev.,1839, p.203).Vous devez, ma fille, rappeler d'abord le but continu de la vie humaine, la conservation et le perfectionnement du grand-être, qu'il faut à la fois connaître, aimer, et servir. Chacun accomplit spontanément ce triple office, que la religion systématise par le dogme, culte, et le régime (Comte,Catéch. posit.,1852, p.92).Ce que nous avons à faire, faisons-le incessamment (...). Armons-nous sans hâte ni délai pour cette part qui est de notre office (Claudel,Corona Benignitatis,1915, p.370).

2. But, tâche que l'on se donne à soi-même avec le sentiment d'un devoir à remplir. Synon. mission.Je ne pouvais m'exempter de revenir ici, car mon office est d'ouvrir le flanc de Monsanvierge et de fendre la paroi à chaque fois qu'un vol nouveau de colombes y veut entrer (Claudel,Annonce,1948, prol., p.135).Ce qu'il [Barrès] veut, c'est ranimer ces régions délaissées qui subsistent au fond de notre coeur (...). Voilà sa mission, son office (Massis,Jugements,1923, p.245).

B. − Dans le domaine de la vie publ., admin., etc.

1.

a) Tâche que l'on doit accomplir. Synon. charge, emploi, fonction.S'acquitter de son office; vaquer à son office; être préposé à un office; remplir l'office de secrétaire; abandonner, résigner un office. Il fallait un grand nombre de gardes pour empêcher le peuple indigné de remplacer les bourreaux dans leur office (Stendhal,Abbesse Castro,1839, p.213).Il m'est impossible de conserver comme garçon de laboratoire une personne qui ne possède aucune des qualités requises pour cet office (Duhamel,Combat ombres,1939, p.98):

1. ... les gens du Monestier, piqués de n'avoir pas un maître d'école comme ceux des autres villages, offrirent la place à Barthélemy. Son office, désormais, fut d'apprendre aux enfants à lire, écrire et chiffrer, de balayer l'église, d'en chasser les chiens et de chanter au lutrin, bref, d'être à la fois le magister et le sacristain de la paroisse. Pourrat,Gaspard,1922, p.158.

♦ Faire office de, faire l'office de. Remplir, sans en être le titulaire ou l'agent habituel, la charge de. Synon. faire fonction(s) de (v. fonction I A 3 bα).Criton, qui faisait office de maître d'hôtel, servit des gelées, des coulis et des purées (A. France, Rôtisserie,1893, p.75).Les Indiens Crow ne pouvaient admettre de luttes intestines; le chef et sa police faisaient donc office d'intermédiaires pour tâcher d'obtenir une réconciliation (Lowie,Anthropol. cult.,trad. par E. Métraux, 1936, p.314).

♦ Faire, remplir son office. S'acquitter de ses fonctions. Voir le bourreau remplir son office (Dumas père, Monte-Cristo,t.1, 1846, p.583).Montrant [au prêtre de Nemi] les victimes [d'un sacrifice religieux]. Ces gens-là sont contents de mourir. Fais ton office (Renan,Drames philos.,Prêtre Nemi, 1885, ii, 3, p.554).

b) P. anal. Usage, destination (d'une chose). Synon. emploi (v. ce mot A 1), rôle.Il en est de cela comme d'un meuble qui ne remplit pas bien l'office auquel il est destiné, ou dont on n'avait pas besoin, et qui embarrasse plutôt qu'il ne sert (Say,Écon. pol.,1832, p.478).Les critiques docilement décrétaient que l'office essentiel de l'oeuvre d'art est de plaire (Rolland,J.-Chr.,Foire, 1908, p.723).

♦ Faire office de. Tenir lieu de. Synon. faire fonction de (v.fonction I B 3).Un champignon séché faisant office d'amadou (Lowie,Anthropol. cult.,trad. par E. Métraux, 1936p.74).Le fossé qui borde talus ou haies fait office de drain (Meynier,Paysages agraires,1958, p.165).Le foie fait également office de réservoir et de régulateur pour plusieurs vitamines, pour divers éléments minéraux et plus spécialement pour le fer (Bariéty, Coury,Hist. méd.,1963, p.691).

♦ Faire, remplir son office. Produire l'effet escompté, jouer son rôle. La vanité a fait son office; elle ressemble à ces coups de soleil qui brûlent un peu les fruits, mais qui les mûrissent (Taine, Notes Paris,1867, p.257).Les batardeaux précédents seraient démolis permettant aux vannes et aux écluses de remplir leur office (Romanovsky,Mer, source én.,1950, p.100).

2. En partic., vieilli. Service de la table. (Dict. xixeet xxes.). Ce domestique sait bien l'office, sait très bien l'office, entend bien l'office (Ac. 1798-1878).

− P. méton. Ensemble des domestiques affectés au service de la table; p. méton. personnel de l'office (v. office2). Dans cette maison, l'office est très nombreux (Ac.). L'on dirait que l'office se doute de quelque chose tellement les valets renforcent leur dédain cérémonieux (A. Daudet, Rois en exil,1879, p.369).

3. Spécialement

a) DROIT

α) DR. ADMIN. Fonction publique de justice, de finances, conférée à vie pour laquelle le titulaire a le droit de présenter des successeurs. Synon. charge (v. ce mot II B 1 c).Office d'agent de change; office d'avocat au Conseil d'État, à la Cour de Cassation; office d'avoué, de commissaire-priseur, d'huissier, de notaire; céder un office. Le droit de présenter un successeur appartient seulement au titulaire de l'office, à ses héritiers ou légataires, ces derniers perdant le droit si le titulaire a été destitué ou contraint de donner sa démission (Lar. comm.1930).Les registres exclusivement relatifs à l'exercice des fonctions sont, de même que les dossiers, un accessoire de l'office et, à ce titre, virtuellement compris dans la cession (Réau-Rond.1951, p.900).

♦ Office ministériel. Office auquel sont attachées des fonctions dépendantes de l'administration de la justice (d'apr. Cap. 1936). La fixation du prix des offices ministériels intéresse l'ordre public (Réau-Rond.1951, p.900).

♦ Office public. Office auquel sont attachées des fonctions indépendantes de l'administration de la justice et dont les titulaires jouissent du droit d'authentifier des actes (d'apr. Cap. 1936). Tous les titulaires d'offices publics et d'offices ministériels (Rob.1959, s.v. officier2rem.).

β) HIST. DU DR. [Sous l'Ancien Régime] Charge publique, inamovible et vénale, qui se transmettait héréditairement. Office de finance, de judicature; office royal; acheter un office; être revêtu d'un office. C'est Louis XII qui achève de fonder la vénalité des offices; c'est Henri IV qui en vend l'hérédité (Tocqueville,Anc. Rég. et Révol.,1856, p.188).Entré, après la suppression des offices, à la mairie de Paris, il était maintenant un dragon sans-culotte et le greluchon d'une ci-devant (A. France,Dieux ont soif,1912, p.64).De très nombreux offices −près de 4000 en 1789 −étaient accompagnés de privilèges importants, notamment l'anoblissement (Encyclop. Alpha, Paris, Grange Batelière, t.11, 1971, p.4338).

γ) Loc. adj. ou adv. D'office

− DR. PÉNAL. (Qui agit) en vertu des obligations de sa charge. Le juge a informé d'office (Ac.).Lachaud plaide d'office pour lui; et (...) lui obtient une indemnité de 95.000 francs (Goncourt,Journal,1876, p.1130).Il avait été chargé de défendre d'office une femme accusée d'avoir volé une paire de bas (Theuriet,Mais. deux barbeaux,1879, p.7):

2. Smith veut que la justice civile soit payée par les plaideurs. Cette idée deviendrait plus praticable encore, si tous les jugemens étaient rendus, non par des tribunaux nommés d'office, mais par des arbitres choisis par les parties, entre un certain nombre d'hommes désignés à la confiance publique. Say,Écon. pol.,1832, p.501.

♦ Avocat (désigné, nommé) d'office. V. avocat I A.

− DR. ADMIN. (Qui se fait) par voie d'autorité, sans tenir compte de l'avis de l'intéressé. Être mis à la retraite, être promu d'office; démission, mutation d'office. N'est-ce pas en vertu du principe que nul n'a le droit de nuire à autrui qu'est ordonné l'internement d'office des aliénés dès que l'enquête a démontré qu'ils constituent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui (Biot,Pol. santé publ.,1933, p.29).Ceux-ci [les ministres] démissionnent après leur mise en minorité, mais ne sont pas démis d'office (Vedel,Dr. constit.,1949, p.169).Être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office (Lubrano-Lavadera,Législ. et admin. milit.,1954, p.124).

♦ P. ext. (Qui se fait) automatiquement. Envoi d'office (v. envoi B 2). Rien dans le patron d'aujourd'hui (celui de la livraison du premier dimanche du mois, servi d'office et gratuitement aux abonnées) qui demande une explication autre que la toilette de visite (Mallarmé,Dern. mode,1874, p.779).Il ne vit plus en Anne cette espèce de supériorité qu'il lui accordait d'office (Radiguet,Bal,1923, p.191).Il se savait trop singulier pour que ses jugements sur la vie fussent valables, d'office, pour un autre que lui seul (Montherl.,Lépreuses,1939, p.1457).

b) HIST. DE FRANCE. [Sous l'Ancien Régime]

α) Charge de la maison du roi. Les sept offices de la bouche du roi:

3. ... la distinction entre grands officiers de la maison du roi et grands officiers de la couronne n'était pas toujours aisée à établir, depuis que les offices de la maison du roi étant de fait permanents n'apparaissaient plus comme différents des grands offices de la couronne, doués de pérennité comme la couronne elle-même. MarionInstit.1923, pp.407-408.

β) Grand office de la couronne. Haute dignité de la cour des rois de France, inamovible mais non héréditaire, dont les titulaires étaient attachés au service privé du souverain. Il y avait donc à la fin de l'ancien régime six grands offices de la couronne: le chancelier, le grand maître, le grand chambellan, le grand amiral, les maréchaux, le grand écuyer (MarionInstit.1923p.407).V.aussi supra ex. 3.

4. P. méton.

a) Établissement où s'effectue une activité particulière; p. ext. lieu de travail. Synon. agence (v. ce mot I B), bureau (v.ce mot II B 2).Office commercial; office de publicité, de tourisme. Au fond de la salle (...) un petit retranchement en planches (...) était devenu, grâce à un grillage avec chatière, «l'office» du bateau à vapeur, c'est-à-dire le bureau de la Durande (Hugo,Travaill. mer,1866, p.111).

b) DR. ADMIN. ,,Organisme chargé statutairement d'une tâche ou d'une mission déterminée d'intérêt public`` (Admin. 1972). Office des Anciens Combattants, Office Public d'H.L.M. (O.P.H.L.M.), Office de Radiodiffusion-Télévision française (O.R.T.F.), Office National des Forêts (O.N.F.), Office des Pêches, Offices des Changes. L'office national météorologique a provoqué une enquête sur les périodicités, dont les résultats se trouvent, passim, dans les années 1936 et 1937 de la Météorologie (Maurain,Météor.,1950, p.174).L'office des céréales qui a la charge de réglementer et de diriger le marché des céréales (Meynaud,Groupes pression Fr.,1958, p.216).Un office national des Forêts doit assurer la mise en valeur et la meilleure exploitation de biens forestiers domaniaux (Belorgey,Gouvern. et admin. Fr.,1967, p.93).

C. − Dans le domaine relig.

1. LITURG. CATH.

a) Office (canonial, divin). Ensemble des prières et des lectures que les chanoines, les religieux et les religieuses doivent chanter ou réciter quotidiennement au choeur à des heures déterminées de la journée. Synon. heures canoniales*.Dire, entendre l'office. Sortie des traités sur le plain-chant et l'office divin, rien ne l'intéresse [une religieuse] (Huysmans,Oblat,t.1, 1903, p.33).L'émir, visitant à Sébaste l'église de Saint-Jean-Baptiste, est bouleversé par la ferveur des moines latins qu'il a vus en train de réciter l'office (Grousset,Croisades,1939, p.161).V. bréviaire ex. 2.

− Livre d'office. Recueil des prières chantées ou récitées au service divin. Acheter un livre d'office (Ac.1798-1878).

− En partic. Ensemble des prières et des lectures prévues pour un moment déterminé, une fête particulière de l'année liturgique. Office du jour; office de la nuit, du matin, du soir; office de saint Jean-Baptiste; calendrier des offices. L'office de cette fête est fort long (Ac.). Jusqu'à six heures, assis par bandes sous les saules, ses camarades et lui [l'abbé Mouret] récitaient en choeur l'office de la Vierge (Zola,Faute Abbé Mouret,1875, p.1301).La liturgie pouvait exhiber le plus merveilleux écrin de son douaire, l'office de saint Thomas (Huysmans,En route,t.2, 1895, p.253).La récitation des offices fut souvent assurée jusqu'à l'époque moderne sur de vieux manuscrits dont les graphies nous sont devenues peu familières (L'Hist. et ses méth.,1961, p.587).

♦ Office des morts. Ensemble des prières instituées en commémoration des morts. Aussi mon coeur s'en va quand je vois sur le soir Le convoi d'un défunt, les cierges, le drap noir, Et l'office des morts avec les chants funèbres (Delavigne,Louis XI,1832, iii, 3, p.107).L'office des morts ne veut pas être consolateur; les chants portent l'effroi par la seule résonnance (Alain,Propos,1932, p.1065).

♦ Petit office. Service abrégé de la Vierge ou d'un saint. Quant aux petits offices, deux bougies suffisent (Huysmans,Oblat,t.2, 1903, p.181).

♦ [Précédé d'un adj. poss.] Ensemble des prières du jour qui sont contenues dans le bréviaire pour la récitation privée. Synon. bréviaire (v. ce mot A 2).Dire, réciter son office; à quoi en êtes-vous de votre office? Quand j'aurai achevé mon office (Ac. 1798-1878). Toute sa journée était remplie par la récitation de son office (Sainte-Beuve,Port-Royal,t.3, 1848, p.604).

b) Cérémonie du culte; en partic. sacrifice de la messe. Aller à l'office; assister aux offices; manquer l'office; célébrer un office. Dès le neuvième siècle, Amalarius, abbé de Hornbach, au diocèse de Metz, parlait d'instrument en bois destiné à annoncer les offices religieux (D'Allemagne,Hist. jouets,1902, p.28).Le trio des saintes femmes assiste quotidiennement à l'office. Et, comme M.le Curé n'a pas d'enfant de choeur pendant la semaine, elles ont la joie de répondre la messe, à tour de rôle, chacune leur jour (Martin du G.,Vieille Fr.,1933, p.1026):

4. L'Empereur racontait, qu'aumônier des princes d'Orléans et leur disant un jour la messe, quelque chose d'imprévu les fit sortir successivement durant l'office. L'abbé [Sieyès] se retournant et n'apercevant plus que les valets, ferma le livre et sortit aussi, disant qu'il n'était pas payé pour dire la messe à la canaille. Las Cases,Mémor. Ste-Hélène,t.2, 1823, p.191.

2. P. anal. Cérémonie liturgique (dans une religion autre que la religion catholique). Les offices [dans le judaïsme] sont normalement présidés par le rabbin, maître chargé de l'enseignement et de la prédication, et dirigés par un officiant (hazan), mais ni l'un ni l'autre n'ont de caractère sacerdotal (La Gde encyclop., Paris, Larousse, t.35, 1974, p.7212).

II. − [Ce qui relève de l'obligeance]

A. − Vieilli, au sing.

1. (Bon) office. Service que l'on rend à quelqu'un. Le monde que je vois est plein de braves gens, Affables, généreux, probes, intelligents, Dévoués, toujours prêts à rendre un bon office (Ponsard,Honn. arg.,1853, i, 3, p.12).Il fit à la jeune fille des compliments sur sa broderie, et comme elle avait du fil à dévider, il lui présenta ses mains pour ce petit office (Duranty,Malh. H.Gérard,1860, p.214).

♦ Faire, rendre office. Rendre service, se montrer obligeant. (Dict. xixeet xxes. sauf Ac.).

2. Mauvais office. Acte ou parole susceptible de porter préjudice à quelqu'un. Je veux bien (...) oublier mes injures particulières et tous les mauvais offices que vous m'avez rendus (Barante,Hist. ducs Bourg.,t.3, 1821-24, p.126).

B. − Au plur. Bons offices

1. Aide que l'on apporte à quelqu'un; en partic. intervention destinée à rapprocher ou à réconcilier des personnes entre elles ou à faciliter la conclusion des affaires qui les intéressent. Synon. aide, assistance, appui, concours, entremise, services.Offrir, proposer ses bons offices; avoir recours aux bons offices de qqn. L'auteur, qui ne vivait pas de son oeuvre, devait compter pour la rémunérer et pour la répandre sur le dévouement de ses amis ou les bons offices de protecteurs prenant en mains les intérêts de sa gloire (Civilis. écr.,1939, p.14-5).Henri VI, manquant à son tour d'argent, résolut d'alimenter son trésor défaillant grâce aux bons offices d'un alchimiste (Caron, Hutin,Alchimistes,1959, p.54).Une coopération étroite sera nécessaire entre les maîtres dans chaque classe (elle sera assurée grâce aux bons offices du professeur principal) (Capelle,Éc. demain,1966, p.74).

2. DR. INTERNAT. Démarche d'un État, d'un organisme international (ou de ses représentants) qui propose sa médiation dans le règlement d'un conflit opposant deux autres États. Monsieur bons offices. Il s'agissait d'un différend d'une certaine gravité (...), l'État intéressé (...) exposait sa revendication devant l'opinion publique internationale et requérait les bons offices du Conseil [de la Société des Nations] en vue d'arriver à un règlement satisfaisant (Conseil S.D.N.,1938, p.33).En aucune occasion, le Gouvernement yougoslave −faute d'en avoir sans doute la latitude −ne se tourna vers nous pour demander nos bons offices (De Gaulle,Mém. guerre,1956, p.203).Le 3juillet, la diète décida d'accepter les bons offices de la Prusse pour conclure la paix avec la France sur la base de l'intégrité de l'Allemagne (Lefebvre,Révol. fr.,1963, p.450).

Prononc. et Orth.: [ɔfis]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1160-74 liturg. cath. «ensemble des prières et des lectures prévues pour une fête déterminée» ici, office des morts (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, Appendice, 688: li maistre clerc chantent l'office); spéc. ca 1223 l'office devin «la messe» (Gautier de Coinci, Mir. Vierge, éd. V. F. Koenig, I Mir 22, 349). B. 1. 1174-76 ofice «fonction, tâche, rôle dont on doit s'acquitter» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, StThomas, éd. E. Walberg, 2955); 1384-89 faire son office «remplir son rôle» (Philippe de Mézières, trad. de l'Hist. de Griseldis, éd. E. Golenistcheff-Koutouzoff, p.161); fin xves. faire office de «remplir la fonction de» (Roques t.2, B.N. 13032, 1396); 1612 faire l'office de «remplacer, tenir lieu de» (H. d'Urfé, L'Astrée, 1repart., éd. H. Vaganay, Lyon, 1925-28, t.1, p.404); 2. fin xiies. «charge» (Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p.13, 30); spéc. ca 1375 nom donné à certaines charges publiques (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 79, 35). C. Loc. adv. d'office 1. 1283 de son office «en vertu des obligations de sa charge» (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, 1157); 1338 d'ofisse (Etat des dettes de Robiert de Maude, Arch. Tournai ds Gdf. Compl.); 1508 d'office (Coutumes d'Anjou ds Nouv. Coutumier gén., t.4, p.536, LXXIII et LXXIV); 2. 1690 «sans en être requis, de son propre chef» (Fur.). D. 1467 «service que l'on rend; aide» (Arch. Nord, B 1693, fo12 vods IGLF); ca 1590 bons offices (Montaigne, Essais, L. II, chap. 8, éd. P. Villey, t.1, p.397); av. 1679 rendre de bons offices «intervenir en faveur de» (Cardinal de Retz, Mém., éd. A. Feillet, t.1, p.200). E. 1. 1863 «bureau, agence» (Commission internat. des postes, p.140 ds Littré: office expéditeur); 2. 1891 «service public de caractère industriel, commercial, administratif, etc., doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière» (loi du 20-21 juillet tendant à la création d'un office du travail ds Rec. Dalloz 1891, 4epart., p.70). Empr. au lat. officium «fonction, devoirs d'une fonction; assistance, service; devoir, obligation morale» qui désigna aussi dès le viies. les offices liturgiques (au plur., Isidore ds Blaise Lat. chrét.). Le sens E est empr. à l'angl. office «lieu où se traitent les affaires publiques ou privées» (dep. 1386, Chaucer ds NED), d'abord «service, fonction, etc.», empr. au fr. (cf. supra B); v. Rey-Gagnon Anglic. Bbg. Tracc. 1907, pp.158-159. _ Vidos (B. E.). Archivum Romanicum. 1930, t.14, p.143. _ Wind 1928, p.174.